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Il y a comme un problème...
5 mai 2012

La fumisterie du resserrement providentiel du dernier sondage

Tirer des enseignements de cette campagne 2012 avant même le résultat final peut sembler présomptueux. Cependant, il est possible d'évoquer dès à présent un point particulier qui, si on n'y prend garde, tendra à fausser les prochains rendez-vous démocratiques entre le peuple français et les candidats à la présidentielle. Je veux parler en l'occurrence de la multiplication tout à fait exubérante des sondages. Force est en effet de constater qu'une telle accumulation tend à donner aux sondeurs la possibilité, sinon la vocation, à modeler l'état d'esprit de nos concitoyens bien plus qu'à leur donner des éléments d'information. D'ailleurs, j'avoue ne pas trop comprendre la finalité même des sondages politiques : quelle raison peut-on avoir à faire connaître l'opinion supposée des autres citoyens, sinon à vouloir initier dans le public un réflexe grégaire digne des moutons de Panurge ? Comme toujours, c'est bien le résultat final, réel, qui fera la lumière sur le sérieux des méthodologies employées par les divers instituts et les possibles tentatives de manipulation de l'opinion. Aussi, en cette veille de scrutin, je me bornerai à quelques remarques.

En premier lieu, les pseudo-sondages, effectués par le biais d'Internet, sont nuls et non avenus dans la mesure où ils ne sont pas issus d'un panel représentatif mais d'un vote "volontaire". Autrement dit, cette méthode peut être largement instrumentalisée par l'une ou l'autre des équipes Internet des candidats. De la même façon, les réseaux sociaux et autres tweets ne sont révélateurs que de l'usage qui en est fait par ces mêmes équipes, puisque ces dernières les considèrent de facto comme des outils de propagande au même titre que les affiches, les tracts et le porte-à-porte.  Créer ou maintenir un buzz artificiel peut d'ailleurs finir par se retourner contre ses auteurs, car plus personne ne dispose d'un vrai thermomètre électoral.

Mais venons-en aux instituts "qualifiés" et à leurs panels "répresentatifs". Durant six mois, le peuple de France a eu droit à son lot quotidien de sondages, via les journaux, les radios et les télévisions. Logique d'informer au jour le jour ou volonté de formater les esprits ? Réalité ou manipulation ? Au delà de cette problématique, aussi difficile et subjective à apprécier que le positionnement partisan des médias dans cette campagne, il convient de souligner un phénomène unanime à tous les instituts, le "traditionnel resserrement" des intentions de vote en toute fin de campagne. Depuis des mois, Nicolas Sarkozy est donné battu au second tour de cette élection, avec une différence qui est allée jusqu'à 14 points (43 - 57%). Pourtant, les derniers sondages font état d'un "rebond" en faveur du président sortant, avec, au final, un écart Sarkozy-Hollande bien plus resserré (47.5 - 52.5%). La ficelle est trop grosse pour ne pas être dénoncée. En effet, ce resserrement aussi "subit" qu'unanime, n'a d'autre fonction que d'anticiper l'éventualité d'une victoire "surprise" de Nicolas Sarkozy et de garantir une "honorable couverture de bonne foi" aux instituts de sondages. Si c'est Hollande qui l'emporte, cet "épiphénomène" sera vite oublié ou présenté comme "non représentatif", sans doute "la conséquence éphémère" du débat de mercredi soir. En revanche, si le résultat de l'élection déjoue tous leurs pronostics faits depuis le mois d'octobre, les sondeurs indiqueront qu'en aucun cas ils n'ont failli, ni naturellement "cherché en aucune façon" à modeler l'opinion publique en manipulant les données pour favoriser un engouement fictif en faveur de M. Hollande. Ils avanceront l'argument d'un "inversement de la tendance dans les tous derniers jours de la campagne". Et ils se féliciteront même du fait que leurs études avaient commencé à faire état de ce "renversement", les jeudi et vendredi, veilles du scrutin. Dans tous les cas de figure, les instituts de sondage se pareront du drap de la vertu et de l'intégrité intellectuelle.

Rappelez-vous, leur taux d'incertitude est généralement de l'ordre de 2-4%. Admettre un rapport 47/53, c'est, entre les lignes, avouer une incertitude à 50-50. Autrement dit, les sondages du second tour ne servent à rien. En cette veille de scrutin, la seule réalité objective, c'est que la gauche a été minoritaire dans les urnes du premier tour avec un total de... 45% de voix cumulées, mais qu'il est légitime de penser qu'elle flirte désormais avec les 50%, compte tenu du non report prévisible de certaines voix FN/Modem sur le candidat de la droite. En revanche, avec un taux de participation comparable au 22 avril, les sondeurs savent pertinemment que les jeux seront loin d'être faits et que Nicolas Sarkozy peut renverser cette tendance négative qu'ils assènent depuis six mois. Ce "resserrement" de dernière minute est donc aussi fictif que les enseignements des analystes qui n'ont eu de cesse de déduire une logique à partir d'éléments manipulés par les sondeurs.

Aussi, et pour autant que l'on postule sur la bonne foi des instituts de sondage bien entendu, il n'y a qu'une seule réponse possible à cette question : "à quoi servent les sondages du second tour dans le fonctionnement de la démocratie représentative ?" A rien, strictement à rien. La fumisterie du resserrement providentiel du "dernier sondage" en apporte indubitablement la preuve.   

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