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Il y a comme un problème...
24 mars 2012

Sondages : les nouveaux faiseurs de roi

Amis lecteurs,

Connaissez-vous Panurge et son édifiante histoire de mouton ? Laissez-moi vous la rappeler : M. Panurge, compagnon de Pantagruel, fait route par bateau vers le pays des lanternes quand il se prend de querelle avec un marchand dénommé Dindenault, lequel convoie son troupeau de moutons. La discussion s'envenime et pour se venger de l'odieux personnage, M. Panurge lui achète l'un des moutons qu'il précipite immédiatement dans la mer. Voyant l'un des leurs quitter le navire autant que sensibles à ses bêlements, tous les moutons se précipitent à sa suite dans les flots ainsi que M. Dindenault, accroché qu'il est à la queue du dernier mouton. Il va s'en dire que le commerçant et ses moutons périrent noyés dans l'histoire.

Nous serions bien inspirés de garder en tête ce passage des écrits Rabelaisiens quand nous prenons connaissance des sondages qui innondent notre quotidien en ces temps électoraux. Une enquête d'opinion sur la question des préférences de vote est-elle un simple thermomètre ou participe-t-elle à sinon créer, du moins amplifier une tendance ?

Je veux bien que les instituts de sondage aient tout intérêt, et notamment financier, à mener leurs enquêtes à partir de panels qui soient réellement représentatifs de la population française : il en va là de leur crédibilité a posteriori et donc de leurs futurs marchés commerciaux. Pour autant, nous sommes bien conscients que seuls les tous derniers sondages resteront dans les têtes pour être finalement confrontés aux résultats réels issus des urnes. Puisque l'opinion publique est changeante par définition, rien n'empêcherait certains instituts de profiter d'une certaine latitude sur le pourcentage d'erreurs pour jouer le rôle de faiseur de tendance dans les mois et les semaines précédant l'élection.

Quand M. Hollande parle de "dynamique du premier tour", il a d'abord en tête la dynamique des sondages. Car il sait parfaitement qu'une partie non négligeable de l'électorat se comporte comme ces moutons de Panurge : il suffit d'un petit pour cent à la hausse ou à la baisse pour provoquer une réaction en cascade dans l'un ou l'autre sens, et la spirale peut devenir cyclone.

Quand M. Mélenchon décide d'organiser un rassemblement populaire un dimanche après-midi (si possible de beau temps), dans un lieu très fréquenté (une place parisienne dans un quartier très "vivant") à grand renfort de mobilisation syndicalo-politique , c'est bien parce qu'il a dans l'idée de générer un effet de masse qui va s'auto-nourrir des curieux de passage et des compte-rendus des médias. Une telle démonstration se répercute immédiatement en terme de retombées d'image, et donc dans les sondages à suivre. Lesquels vont engendrer une tendance de fond pour un fait de campagne purement "évènementiel".

Ces deux exemples renvoient au comportement des célèbres moutons de M. Panurge : dans les sondages, les intentions de vote se nourrissent des ... intentions de vote. L'instinct grégaire qui caractérise l'espère humaine (regardez les plages de la façade ouest à l'été et vous comprendrez de quoi je parle, avec les "stockages" d'individus autour des chemins d'accès et des espaces entièrement déserts un peu plus loin) crée un effet de mode qui repose beaucoup dans notre société médiatico-visuelle sur une présence constante et significative dans nos lucarnes magiques. Et si l'effet cumulatif se renforce de l'effet de masse, il se forme naturellement une pseudo pensée de groupe, alimentée par des sondages qui conditionnent le traitement journalistique et inversement.

Voter, c'est faire un choix personnel, ce qui nécessite une conscience politique. Voter, c'est adhérer à un programme ou à un candidat, ce qui implique un effort de réflexion comparative. Ce sont là les bases subjectives et objectives d'un vote. 

Répondre à un sondage, et dans un moindre mesure glisser son bulletin dans l'urne, c'est aussi pour nombre de citoyens l'occasion de faire un pari inconscient sur le vainqueur à venir. Répondre "quelque chose" avec dans l'esprit le souci "d'avoir juste" et d'être donc "dans la tendace du moment" ; voter pour "untel" parce qu'il émerge nettement dans les sondages permet d'adhérer à un groupe "winner", ce qui est bien plus confortable que de risquer sa mise sur un "tocard" et au final avoir le sentiment d'être un "looser". La France est aussi le pays du jeu et des paris.

Un sondage est un instantané qui donne un aperçu, nécessairement conjoncturel, d'une situation donnée. La multiplication des sondages produit en revanche un effet de mode propre à brouiller l'essence même de ces instantanés. L'édifiante versatilité des sondés ne saurait s'expliquer par une adhésion aux thèses ou à la personnalité des candidats ; elle traduit certes une absence de conviction ou d'adhésion forte à l'offre électorale existante mais surtout l'influence grandissante d'outils qui, par un effet pervers, tendent à instaurer un réflexe conditionné au niveau du troupeau. La "grégaritude" nous gagne, et pour le coup, il y a vraiment comme un problème....  

       

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  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
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