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Il y a comme un problème...
11 novembre 2016

Sondages au ban des accusés : les raisons d'une déroute

Qualité des sondages et professionnalisme des sondeurs sont sur la sellette depuis le Brexit, et plus encore depuis la victoire "surprise", comprendre par là non pronostiquée, de Donald Trump à la Maison blanche. Il paraît évident que les méthodes traditionnelles d'interrogation de l'opinion ont été incapables de recueillir des données fiables dans les deux cas, et il n'est pas inutile de chercher à comprendre pourquoi.

La première raison tient à la qualité du panel des sondés, cet "échantillon représentatif" censé traduire les positions d'une population prise dans sa globalité. La lisibilité des clivages, qu'ils soient d'ordre politique, catégoriel, économique, générationnel ou ethnique, devient de plus en plus floue à mesure que la société s'individualise. La notion même de groupe représentatif a largement perdu de son sens. Certes, les techniques de sondage se sont affinées pour réduire les marges d'erreur ; mais les supports qu'elles utilisent - Internet, téléphonie mobile... - font justement l'impasse sur des populations laissées pour compte, qui, dès lors qu'elles se mobilisent en nombre, sont susceptibles de retourner les résultats "prévisibles". Par ailleurs, l'inflation de ces enquêtes porte les germes d'une lassitude, d'une exaspération face à ce qui apparaît comme un vote à venir "couru d'avance". Dans sa redondance eu égard à la pléthore des instituts et à la fréquence des publications, le sondage fonctionne de facto comme un outil de marketing au service d'un vote "favori", celui du candidat qui arrive en tête ; à sa façon il concourt à façonner une pensée unique,"avérée" car confortée par lui-même. 

On aborde là la deuxième raison : les sondés, blasés, lassés ou sans opinion tranchée, répondent souvent par rapport aux sondages précédents. Ils leur font écho plus qu'ils ne livrent leur sentiment véritable. Ils disent ce que l'interlocuteur veut entendre, ou à tout le moins, il veut "répondre juste". Cela est d'autant plus vrai quand les questions dirigées induisent des réponses par facilité. Prenons l'exemple de la primaire de la droite. "Pour qui voteriez-vous au premier tour ?" Une question claire, simple qui peut se compléter par une information sur le degré de certitude sur ledit vote. La réponse toutefois sera immédiatement retoquée par la question suivante ; "Qui ralliera votre suffrage,de Juppé ou de Sarkozy, au second tour ?" Cette question, anticipée avant même les résultats du premier tour, induit que les jeux sont déjà faits, que votre première réponse n'avait en réalité aucun intérêt et que, si vous aviez opté pour un autre finaliste, vous êtes donc un perdant qui s'ignorait. Mais la fois suivante, on ne vous y reprendra plus, et vous aurez "juste", avec Juppé ou Sarkozy naturellement !

En cela, le sondage se fait l'instrument d'une dictature de la pensée - ou du choix - unique. Et puisque tout le monde - sondages, analystes et commentateurs - dit que Juppé va gagner, hé bien à la question "Qui voyez-vous gagner la primaire ?", le sondé, soucieux de répondre correctement, bêlera le nom du favori désigné, tel le mouton de Panurge,

A la différence de ces réponses "conditionnées", la troisième raison tient à la dissimulation volontaire du vote réel. Parce que, face aux diktats de la bien-pensance et du politiquement correct, celui qui pense voter pour "l'outrancier ou le honni" ne souhaite pas devoir justifier de son choix. Avez-vous remarqué cette tendance forte chez les journalistes d'interroger certains électeurs, du FN notamment, sur le pourquoi de leur vote, un peu comme si ces citoyens-là, des "égarés" sans doute, devaient systématiquement leur présenter une raison "légitime" expliquant leur "déviance" démocratique ! Jamais vous n'entendrez ces mêmes professionnels demander à un citoyen ayant voté pour un parti de gouvernement - donc "légitime" à leurs yeux - de donner ses raisons. Puisque Trump était unanimement salué par la presse américaine - sauf Fox News, média foncièrement Républicain - comme xénophobe, raciste, grossier, misogyne, dangereux etc..., il était clair qu'un électeur de Trump devait au moins répondre lui-même à l'un de ces qualificatifs, puisque "qui se ressemble, s'assemble", comme dit le proverbe. Quel sondé veut-il risquer d'apparaître ainsi, même face à un correspondant inconnu ? Un convaincu ? Assurément. Un hésitant ? Absolument pas. De la même manière, en France, il est probable que lors des sondages des premier et second tour de la présidentielle, certains sondés préfèreront taire leur soutien électoral à Marine Le Pen parce que, même si il n'est plus considéré comme un tabou, le vote frontiste sent encore le souffre.

Malgré des outils de plus en plus élaborés, les sondages peinent désormais à rendre compte des réalités d'un scrutin, assurément parce qu'ils sont d'abord perçus comme des faiseurs d'opinion - au même titre que les mass médias qui les commandent et qui les relaient jusqu'à l'overdose - et non comme le révélateur d'une opinion générale. Le fameux cliché de "la photographie de l'opinion" à un instant T (pour Time !) a subi la révolution Photoshop du politiquement correct ; il n'est pas sûr qu'il retrouve toute sa pertinence dans les prochains mois.

 

  

 

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