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Il y a comme un problème...
9 novembre 2016

Trump président ou la révolte des sans-dents, un exemple pour la primaire de la droite ?

Donald Trump vient d'être élu par le peuple américain pour devenir le 45ème président des Etats-Uis d'Amérique. A la surprise des instituts de sondage locaux, à la stupeur du microcosme politico-médiatique de Washington et à l'incompréhension de l'establishment de la côte Est, notamment. A la stupeur aussi de nos experts auto-proclamés qui interviennent dans les débats qui comptent en France, à la télévision, à la radio ou dans les colonnes des magazines et que ce résultat doit renvoyer à leurs chères études, mais surtout à plus d'humilité dans leurs analyses.

Pourtant, cette victoire était non seulement prévisible, mais inéluctable. En effet, il monte au sein de nos démocraties occidentales, fracturées de toutes parts, le souffle de la révolte des sans-grades (des "sans dents" dirait l'autre), des incompris, des négligés, bref de cette majorité silencieuse violentée par les crises à répétition et qui, après des décennies d'inquiétudes, de souffrances, de déclassement et d'écoeurement, a décidé de se faire entendre.

Espagne, Grèce et Italie avant-hier, avec les mouvements "Podemos" et consorts, le Royaume-Uni, dans une certaine mesure, avec le Brexit hier, et donc la Trumpisation de l'Amérique ce matin, toutes ces nations révèlent le grand fossé qui sépare "le peuple", avec son vécu et/ou son ressenti, et "ses élites" qui ne l'incarne, ni ne le comprend plus, si tant est qu'elles l'aient jamais entendu. 

Naturellement par "élite", on pense immédiatement au personnel politique, dont les états-majors partisans sont aussi coupés des réalités du monde des petits, principalement concentrés sur le carriérisme de leurs leaders et sur leurs stratégies électoralistes. On pense aussi à la sphère médiatique, ce quatrième pouvoir qui s'est perdu dans les arcanes politiciennes à force de frayer dans un entre-soi valorisant : "à force de coucher avec l'ennemi, on épouse sa cause", est-il coutume de dire et les exemples abondent de ces journalistes en couple avec des politiciens de premier plan.

Mais en réalité, cela concerne plus largement tous ceux qui, par leurs fonctions ou par leurs activités, donnent l'impression d'évoluer dans des bulles - de Champagne hors de prix bien - en dehors de cette "réalité vraie" qui percute le quotidien des familles. En acumulant les soutiens du show-business, Hillary Clinton n'a pas compris qu'elle scellait définitvement son sort dans les "swing states". Que sait Beyoncé et ses pailletes des affres du déclassé du middle-west ?   

Se faire le porte-voix des craintes populaires, relayer les aspirations légitimes d'une nation, parler au coeur des gens, voilà ce qui a fait le lit du succès de Trump. Parce qu'il a fait l'effort d'écouter, parce qu'il a pris le temps de discuter, parce qu'il a parlé simple, voire souvent simpliste, il a été choisi dans les urnes par cette majorité du silence qui s'est mobilisée en masse. Pour autant, ce peuple de révoltés face aux élites n'est pas dupe. Sans doute Trump a-t-il rasé gratis durant sa campagne et l'establishment républicain aura tôt fait de limiter les fougues de celui qui a tant secoué l'institution conservatrice. Mais face à ses concurrents de la primaire d'abord, puis face à Hillary Clinton, Trump le milliardaire a réussi ce tour de force à se faire reconnaître par le peuple comme l'un des leurs, et non un énième représentant de la "clique de Washington", corrompue et corruptrice.

On peut aussi remarquer que, si la primaire démocrate n'avait pas été à ce point manipulée par les cadres pro-Clinton, sans doute aurait-on eu un duel Trump-Sanders en ce 8 novembre 2016, signe que la déflagration anti-élite traverse tout le pays.

Dans un contexte franco-français à l'heure des échéances de 2017, l'un des enseignements de cette victoire de Donald Trump tient au fait que rien n'est plus fédérateur pour un peuple délaissé, déclassé, voire méprisé, que de se mobiliser contre le "politiquement correct" vendu par les partis de gouvernement et complaisamment relayé par les médias. Le peuple entend se libérer de tout ce qui est censé parler en son nom ou le représenter. On le voit avec les mouvements de policiers en colère, manifestant hors de toute organisation syndicale. On le voit dans la perte de vitesse des partis politiques qui contraste avec les mouvements citoyens, permis par le développement de l'Internet et des réseaux sociaux. Finie la dictature du "bon" vote ou du vote "utile" pour une part croissante d'électeurs qui se cherchent un porte-drapeau plus qu'une organisation partisanne. Mélenchon et Macron, deux exemples de trajectoires individuelles qui peuvent trouver un relai positif dans l'opinion, puis dans les urnes. Si l'homme providentiel ne fait plus recette, "le solitaire en marche" fait des émules. 

Aurons-nous notre Bernie ou notre Donald lors de la présidentielle de 2017 ? La France, qu'elle soit en marche, insoumise, en colère ou qualifiée d'extrémiste, va-t-elle faire sa révolution de palais ? Rien n'est moins sûr tant ses bouées anti-crise sociales savent anesthésier les mouvements d'humeur dans les urnes. Tant qu'il y a quelque chose à perdre, le conservatisme politico-électoral - de droite comme de gauche - continue de survivre. Pour autant, nous ne sommes pas à l'abri d'une fronde citoyenne. Le résultat de la primaire de la droite sera éclairant sur ce point.

La France de la droite et du centre va-t-elle vraiment s'exprimer ou bien se laisserat-elle gangrénée par le petit jeu de l'entre-soi du microcosme parisien ? Passera-t-elle outre le diktat des sondages et les présentations orientées des médias qui ont déjà fait le match du second tour, avec un "Juppé/Sarkozy" ? Votera-t-elle avec le coeur pour le candidat qu'elle veut porter au pouvoir, ou avec la "raison", en avalisant  le choix du favori désigné par la "caste des experts" ? 

Les français de la droite et du centre auront-ils le courage de choisir le vote d'adhésion plutôt que celui par défaut ? Les américains viennent de leur donner une leçon. On saura très vite s'ils l'ont bien retenue. 

 

  

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Commentaires
J
ben non ! la primaire de la droite a élu le représentant de la bourgeoisie conservatrice et idéologique, le candidat des patrons (et des européistes bien entendu).<br /> <br /> reste à voir ce que donnera l'élection présidentielle elle même
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