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Il y a comme un problème...
18 avril 2012

Fin de règne

Cette campagne ressemble de plus en plus à une fin de règne. Comme le déclare Daniel Cohn-Bendit, Hollande a déjà gagné parce qu'une majorité de français ne veut plus de Sarkozy. La victoire du PS n'aura finalement pas grand chose à voir avec "l'envergure charismatique" de son candidat "normal" ou avec la teneur de son programme, dont Hollande a déjà annoncé qu'il ne l'engageait pas. Il s'agit avant tout de la défaite d'un homme et d'un mode de gouvernance. J'analyse les ralliements anticipés au "vainqueur assuré" comme autant de symptomes de l'allergie suscitée aujourd'hui par la méthode Sarkozy. Certes, ces ralliements sont d'abord anecdotiques, mais le fait qu'ils soient rendus publics avant le 22 avril, et non dans l'entre-deux tours comme c'est l'usage, indiquent bien que "les jeux sont faits". Certes on n'empêchera jamais nombre de personnalités gravitant à l'intérieur comme à l'extérieur de la sphère politico-publique cherchent à se placer sous les bonnes graces ou sous l'aile protectrice du nouveau prince : c'est une vraie tradition française que de mordre la main qui a autrefois nourri pour courrir la nouvelle gamelle. Il n'en demeure pas moins que ces "retournements de veste" puisent d'abord leurs racines dans un certaine rancoeur, dans une frustration certaine. En fait, les ralliés de 2007, ex-ministres ou ex-quelque chose sous la présente mandature, ont été les premières victimes et les premiers déçus de la gouvernance Sarkozy. Ils y ont cru, eux aussi (eux surtout ?!)  au management dynamique de 2007 et aux lignes qui allaient enfin bouger ; ils ont cru aux discours du candidat, ils ont vu leur président en action et, de fait, on les y reprendra plus à prendre des vessies pour des lanternes.

Plus que le bilan Sarkozy, c'est la méthode Sarkozy qui a failli dans les plus grandes largeurs : des discours durs et ciblés, mais rarement suivis d'effets, d'où des redites incessantes, des copiés-collés permanents jusque dans le programme initial 2012 qui se nourrit des engagements non tenus de 2007. Il y a surtout cette stigmatisation continuelle d'une "petite" catégorie de personnes qui, du fait de leur profession, de leurs origines, de leur lieu de résidence, de leur formation, de leurs engagements, de leur mode de vie (etc...) ont été désignés tour à tour à la vindicte populaire pour expliquer les difficultés et les problèmes. Alors que les français étaient en attente de résultats probants, la gouvernance Sarkozy leur a juste servi des boucs émissaires.                                       En 2007, Nicolas Sarkozy demandait aux français de lui laisser cinq ans pour faire ses preuves ; le président voulait être jugé à l'aune des effets de sa politique sur le pouvoir d'achat, sur la précarité et sur le chômage. Et c'est exactement ce qu'il se passe aujourd'hui. Bien sûr, la crise financière internationale de 2008 et la crise de la dette européenne ont pu constituer un facteur aggravant et de ce fait elles ont contribué à alourdir le passif du bilan de cette mandature. Et il ne faudrait pas oublier les points positifs touchant aux réformes plus structurelles de l'Etat et de son fonctionnement. Mais ce bilan contrasté n'est rien comparé à la gouvernance du président sortant : le bling-bling et l'omniprésence sur tous les fronts chauds des premières années, le fait du prince exercé sur la haute administration et sur les sociétés publiques, les erreurs désastreuses en terme d'image, comme les tentatives d'intronisation de son fils dans "son" département, comme les nombreuses affaires qui émaillent son parcours politique. Sorti de Neuilly, villégiature politique pour tout homme de droite comme chacun sait, Sarkozy n'a guère de résultats probants à faire valoir : il a perdu dans l'OPA de 1995 face à Chirac ; ministre de l'Intérieur "incontournable", ses "succès médiatiques" n'ont en rien empêché l'insécurité de faire le lit politique du FN. La seule victoire de la méthode Sarkozy, c'est finalement 2007, face à une candidate socialiste torpillée en interne par certains "éléphants". Sinon Sarkozy a perdu toutes les élections majeures quand il était en première ligne : Européennes, Régionales, Sénatoriales, autant d'échecs cuisants pour le chef de la droite républicaine.

Et aujourd'hui c'est le candidat Sarkozy qui est en faillite. Depuis une semaine, il est devenu évident que le président sortant avance sa barque à la godille. Il multiplie les annonces démagogiques, il en appelle au secours du peuple et du centre, quand tout le monde sait pertinemment qu'un premier tour se travaille en puisant dans l'électorat de son extrême et que seul le second tour se gagne au centre. Sarkozy est à la dérive et le dévissage de 2% dans un sondage du jour reflète à la fois un manque patent de lisibilité quant au cap, à la teneur et à la cohérence de discours de sa campagne et une certaine absence d'ambition pour le pays. Sarkozy adopte désormais une posture à la VGE au soir de sa défaite de 1981 : la menace de lendemains terribles si son concurrent direct l'emporte, la logique manichéenne du "c'est moi ou le chaos", l'argumentaire puéril "le PS a déjà tout (pouvoirs locaux et régionaux), laissez-nous au moins ça", entendre : la présidence de la République pour l'UMP.            

L'incertitude du second tour Hollande / Sarkozy repose désormais sur l'ampleur de cette défaite annoncée du président sortant : sera-telle un camouflet, une correction ou une humiliation ? Les sous-entendus de François Bayrou quant à une refondation imminente du centre(-droit) montrent que d'ores et déjà les lignes bougent au sein même de la machine UMP. Les sécessionnistes de la dernière heure, Morin, Borloo et consorts devraient être rejoints par nombre de députés soucieux avant tout de ne pas sombrer avec le capitaine dans les législatives à venir. Chirac a créé le RPR pour en faire sa machine à gagner ; Sarkozy l'a recomposé pour créer un machine dédiée à sa seule personne en diluant les chiraquiens et les gaullistes. Celui qui émergera des ruines de l'UMP devra créer son propre mouvement pour être légitime à exister en 2017. D'ailleurs, on ne m'empêchera pas de penser que nombre de quadras/quinquas en bonne place dans l'organigramme de l'UMP n'ont pas privilégié leurs propres intérêts à long terme lors de cette campagne. On sait très bien que les cinq prochaines années vont être éprouvantes ("épouvantables" serait plus juste) pour le gouvernement en place, parce que la situation est terrible et les solutions SarkHollandaises largement inadaptées. On sait que les français ne tarderont pas à déchanter du "changement" : Fabius, Sapin, Hollande, Aubry, Vauzelle et tous les autres sont là depuis 1981 ou peu s'en faut, vous parlez d'un "changement" !! Avec ce genre d'attelage, quel renouveau politique, dans l'esprit et dans les méthodes, peut-on attendre franchement ?!! Les français qui déchantent, cela veut dire que l'opposition va raffler les régions au PS ; cela veut dire qu'elle n'aura qu'à cueillir le fruit mûr en 2017. Copé, Bertrand et les autres le savent bien : perdre aujourd'hui, c'est s'exonérer à bon compte des mesures difficiles qui devront nécessairement être prises - quel que soit le vainqueur de 2012 -  et profiter du retour de balancier au plan des élections intermédiaires. Sarkozy va perdre, mais ceux qui ambitionnent de reprendre son flambeau à droite se voient gagnants.

Si Sarkozy est finalement bien seul, c'est parce que les cadres de l'UMP n'a jamais cru que leur "candidat sortant" avait la moindre chance de l'emporter. C'est aussi parce que Nicolas Sarkozy s'est pris les pieds dans le tapis avec sa création partisanne : il n'a pas su tenir ses ambitieux successeurs "Sarkozystes", ni régler une fois pour toutes, ses propres querelles de succession avec les Chiraquiens. Une fois encore, son approche manichéenne (plus que machivélique) de jouer un groupe contre un autre, une personnalité contre une autre l'aura desservi : il a bien trop sacrifié de pièces stratégiques dans son propre camp pour emporter l'adhésion au sein de son propre parti. A force de trop jouer avec les Le Maire, Baroin, Alliot-Marie, Dati et Yade, Copé et Bertrand et même Fillon, il s'est isolé tout seul. Le cercle Sarkozy tient à trois piliers inconnus du suffrage universel ou presque : Guéant, Guaino et Hortefeux. Dans ces conditions, ses "appels au peuple" et "à la majorité silencieuse" sont bien les seules cartouches qui reste à un président sur le reculoir.     

 

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  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
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