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Il y a comme un problème...
31 décembre 2018

Quinquennat : la malédiction des noms en A

     A une poignée d'heures avant que les douze coups de minuit fassent faire basculer le monde dans une année nouvelle, les observateurs de la vie politique française se demandent comment Emmanuel Macron, ce "jeune homme" brillant à qui tout réussissait tantôt, va pouvoir sortir, par le haut, de l'épreuve orale que représente la traditionnelle intervention télévisée des voeux aux français. 

     De son goût pour la littérature et le théâtre, celui-ci a tiré une expérience d'acteur qui a su lui servir ces quatre dernières années pour charmer certains de ses opposants et pour rallier à lui des cohortes de marcheurs bénévoles, séduits pas un style et une personnalité, admirablement servie par une presse politico-people "sous le charme". Sur la forme, il aura besoin de tout ce talent, et sans doute d'un peu plus, pour convaincre. Non sur ses projets pour l'an à venir ou sur sa vision pour la France à l'horizon 2022, mais sur sa capacité à demeurer, aux yeux des français, l'homme de la situation pour les trois prochaines années.

     Sur le fond, il serait étonnant que la recette du "en même temps" ne soit pas, une fois encore, revisitée, comme pour maintenir l'illusion que tout reste possible, et la poursuite des réformes nécessaires, et la prise en compte de la précarité sociale ; et le tiroir-caisse ouvert pour le CAC 40, et la question environnementale... A force de trop d'engagements, rarement suivis des faits, et surtout d'effets, le fond devient inaudible, quand il ne révèle pas le fossé entre le vouloir et le pouvoir d'un président de la République qui semble surtout aux ordres des circonstances et des évènements, plutôt que solide à la manoeuvre sur un voilier chahuté par la forte houle.

     Et tandis que tout le monde fera sa petite analyse de texte dès la fin de l'allocution, j'en serai, pour ma part, à m'interroger encore sur la fatalité qui touche les présidences françaises depuis l'adoption du quinquennat. Cette fatalité des noms en "A" qui plombe le mandat du locataire de l'Elysée. D'aucuns, experts en lois constitutionnelles, réfléchissent à redonner de la vigueur démocratique et une légitimité au pouvoir exécutif en modifiant échéances ou durée de mandat quand d'autres étudient sérieusement ces histoires référendaires, censées apporter une sérénité politique à une nation divisée sur tout depuis toujours et qui s'est construite sur les luttes et les révolutions. Mais tous se trompent de prisme : le vrai souci, c'est cette fatalité des noms en A.

     Sarkozy et CéciliA... Le premier président vraiment élu pour un quinquennat (le second mandat de Jacques Chirac ne compte pas puisqu'il s'agit d'une réélection... toute miraculeuse) a plombé son mandat avant même son entrée en fonction. L'opposition quasi unanime de la presse politique à sa personne n'a pas aidé mais c'est bien en choisissant de passer ses vacances sur le yacht d'un ami  milliardaire que le président, élu mais pas encore nommé, a perdu une grande partie de son élan victorieux, en gagnant au passage le surnom de "bling bling" qui ne le quittera plus, jusque dans les débats de 2012 ! L'homme avait vu dans cet isolement relatif en mer Egée une dernière possibilité de redonner une chance à son couple en perdition ; il en avait oublié le regard suspicieux des français, laissés dans l'ignorance de ces soucis domestiques, qui plus est. La malédiction du nom en A était lancée. Et ce n'est pas l'arrivée de CarlA qui pourrait la conjurer.

     Hollande et LéonardA. François Hollande, l'apôtre de la synthèse de façade au sein de la famille socialiste - le genre de famille qui ne vous fait pas regretter d'être orphelin -  a perdu tout ce qui restait de sa crédibilité d'homme d'Etat en cherchant à négocier avec une adolescente, expulsée avec sa famille pour non-respect des règles liées à l'immigration. Une gamine tenant tête au chef de la cinquième puissance mondiale (à l'époque !) sous l'oeil des caméras ! Une scène halucinante et dévastatrice, bien plus que les virées en scooter et les escapades périgourdines. 

     Macron et BenallA. Lui qui avait pris soin de prendre le contre-pied de son prédécesseur dont il fut un très proche collaborateur, lui qui, tel Brutus, avait tué son mentor politique ("Il sait ce qu'il me doit" voulait encore croire le Hollande de 2016), lui qui se targue du roman historique pour écrire son propre chemin, il aurait dû savoir qu'un collaborateur en A signerait sa perte. Il ne faut pas s'y tromper : la révolte des gilets jaunes a le soutien de l'opinion parce que quelque chose a commencé à se fissurer en juillet 2018, quand la première affaire BenallA fait la Une du Monde. Pas une affaire d'Etat certes à ce moment-là, mais déjà plus une affaire d'été. Car si les français ne sont pas naïfs face aux jeux politiciens, qui montent des dérapages individuels en exergue pour discréditer un adversaire, inaccessible par ailleurs, ils n'aiment pas qu'on les prenne pour de stupides moutons. C'est moins le coup de poing, ou le coup de sang d'un collaborateur que l'absence de réponse et l'embarras de l'Elysée à sortir de ce dossier a priori mineur qui posent problème à l'opinion . Et voilà qu'une vidéo LREM montre à cette opinion publique, légitime à s'interroger sur des errements ou un amateurisme de palais, un chef de bande qui fanfaronne à l'abri de ses hauts murs "qu'on vienne le chercher", "lui le seul responsable". Venir le chercher, ce fut l'intention des Gilets jaunes ! Aujourd'hui, l'ex-collaborateur balance sa version du lien qu'il continuerait d'avoir régulièrement avec son ex-chef, des propos en totale contradiction avec le fond et la forme des discours officiels tenus par la présidence depuis le mois de juillet ! La malédiction des noms en A frappe de plus en plus fort.

     La présidence Macron est terminée. Reste à savoir si le mandat, lui, sera écourté, ou pas. Sarkozy et Hollande ont tenu. Mais la charge était moins forte, et la faute moins lourde. Le seul atout de Macron ? Que le personnel politique n'en finisse pas de se décrédibiliser à longueur d'années, privant l'horizon d'une alternative acceptable, porteuse d'un projet crédible. C'était vrai en 2018, gageons que cela le sera encore plus en 2019.

Bonne Année... quand même !   

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