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Il y a comme un problème...
19 avril 2012

Campagne 2012 : les premiers enseignements

On peut déjà tirer quelques certitudes de cette campagne, tel qu'elle vient de se dérouler.

Les médias radio-télévisés affichent clairement leur parti pris : à la différence de la presse écrite qui revendique ouvertement une ligne éditoriale et des affinités politiques pour des raisons à la fois historiques et économiques, ceux-ci s'étaient jusqu'à présent gardés d'apparaître ouvertement comme des leaders d'opinion. Cela ressortait d'une vraie logique compte tenu de l'enjeu financier (capter une audience la plus large possible pour vendre leurs encarts pub) et du mode de diffusion/consommation inhérent à ce type de média (sait-on jamais qui écoute et qui regarde en réalité ?). Une première encoche au contrat moral d'objectivité relative avait été faite lors du référendum de 2005 sur la question européenne. Avec cette campagne 2012 en deux temps - primaire socialiste, puis élection présidentielle - les chaînes de radio et de télévision se sont à l'évidence posées comme les nouveaux faiseurs de roi. En devenant "médiatiques", les "bouffons du roi", dont la fonction originelle était de dire ses vérités au prince en même temps que divertir et la cour et le peuple, s'arrogent désormais le droit de dire qui a raison et qui a tort, quel combat est "juste", ils s'octroient la légitimité d'annoncer qui mérite un satisfecit et qui doit être honni du paysage politique français. Avec les "petits" candidats, cela se fait tout naturellement, avec cette condescendance certaine qu'ils ne manquent jamais d'afficher à leur égard. Avec les candidats qui sont placés en dehors du système du "divertissement politique", alors même qu'ils ont des choses à dire et peu de temps ou de moyens de les exprimer, ils n'hésitent plus à afficher une supériorité méprisante : c'est particulièrement vrai pour les journalistes qui se targuent d'être des spécialistes de l'économie, mais ça l'est tout autant pour ces vedettes de l'espace médiatique qui ne rêvent finalement que d'une chose en vérité : être leur propre invité, tant leur ego est sur-dimensionné. On avait cru que ces médias et leurs représentants de l'information étaient d'abord au service de la population. On comprend désormais qu'ils sont, au premier chef, tournés à leur propre service et qu'ils fonctionnent selon leurs propres besoins et leur propres intérêts. Il n'y a rien d'illégitime à cela ; ce qui n'est pas acceptable en l'état, c'est le fait qu'ils continuent à prétendre de leur intégrité intellectuelle et à se réfugier derrière leur éthique professionnelle. Le dernier exemple en date est le clash intervenu ce matin sur France Inter entre Mme Clark et Mme Le Pen : il est évident - et c'est donc prendre les auditeurs pour des êtres éminemment stupides que de chercher à prétendre le contraire - que le petit commentaire en fin d'interview était préparé et qu'il était intentionnel pour rappeler/dénoncer (mais sans le dire) le caractère (le gène ?) raciste du mouvement FN. Ce qui n'était pas prévu en l'occurrence, c'est la répartie de Mme Le Pen, d'autant plus cinglante qu'elle met en lumière, avec raison, cette déviance du journalisme à la française, humble et servile devant le prince, méprisant ou offensif avec les autres. Avez-vous été le témoin d'un mea culpa de ces stars autoproclamées de l'info ? Même quand elles sont prises la main, que dis-je le bras, dans le pot de confiture, elles se parent de drap de la dignité outragée ! Il n'y a personne pour contrôler ceux qui s'arrogent désormais la fonction de "contrôleur" de la vie publique et politique. Il reste donc à espérer que cette tendance partisanne s'estompe rapidement, ou qu'à défaut puisqu'il est humain d'avoir une conscience ou des convictions, les péférences politiques des interviewers soient clairement identifiables, de sorte que l'auditeur / téléspectateur puisse disposer du filtre indispensable pour se faire son propre jugement en toute liberté. 

La seconde certitude est que la politique française est entrée de plain-pied dans le XXI-ème siècle en usant et en abusant des nouveaux outils de (dés)information offert par les technologies de communication. Réseaux sociaux et supports Internet sont largement mis à profit, non pour créer du lien ou apporter quelque susbtance aux débats, mais d'abord pour entretenir un buzz artificiel et saturer ces espaces de liberté de conscience pour noyer la concurrence. Désormais la politique "sérieuse" se vend comme ces escroqueries à la Nigériane qui "spamisent" nos boites email à longueur de journée : on privilégie le flux et la quantité pour faire sa propagande à peu de frais en espérant leurrer le gogo de passage. Les partis qui en ont les moyens se dotent des matériels et des petites mains qui inventent de toutes pièces et alimentent sans fin une attente, un besoin, un phénomène en comptant sur l'effet de troupeau au sein de la population. Et ce dimanche, peu après 18 heures, on pourrait même assister à une entreprise de manipulation massive de l'électorat, par la diffusion "d'informations" avant même la clôture du scrutin. Qui pourrait empêcher un groupe bien organisé de diffuser un "résultat" ou une "tendance" pour amener les indécis à voter dans un sens plutôt que dans un autre, les abstentionnistes à se mobiliser pour "éviter un résultat inacceptable" ? Je serais certes dans l'illégalité si j'évoque des informations officielles ; mais si elles ne sont que le produit de mon imagination ? En tant qu'individu, j'ai le droit à la liberté d'expression !! Et puis quoi ? Cette déviance n'existe-t-elle pas déjà : il sufit de regarder la tête des présentateurs sur les chaînes TV, de décrypter leurs allusions à peine voilées pour comprendre dès la prise d'antenne si "tout se déroule selon le plan médiatico-politique" ou si une surprise de taille est en train de se produire. Faire des émissions spéciales à partir de 18h n'a aucun sens, sauf à envoyer des messages "subliminaux" pour intervenir sur le résultat final, surtout quand l'abstention attendue est de l'ordre de 25%. Qui ne se rappelle Bruno Masure, marqué à gauche, le visage radieux quand le PS gagnait, plus morose quand la tendance était contraire ?

Au niveau des conséquences de l'apparition des nouvelles technologies, il faudrait aussi citer ce phénomène nouveau où les candidats sont désormais les victimes potentielles d'un "espionnage" permanent, d'une délation constante. Outre les caméras de la télévision et les micros des radios indiscrets, ils doivent désormais se garder des téléphones mobiles qui peuvent enregistrer leurs moindres faits et gestes. Big brother est partout, sauf qu'en l'occurrence, il s'agit ici du "big brother populaire", un danger non prévu par Orwell. Comment expliquer l'extrême fatigue, voire la lassitude affichées par les candidats en cette fin de campagne ? Ils n'ont plus un seul espace pour respirer, pour s'extraire de leur rôle d'étendard médiatique. Non seulement le nombre de médias à honorer de leur présence a explosé, ce qui les sollicite encore plus dans un agenda déjà surchargé, mais de surcroit, le "off any record" n'existe plus que dans leur salle de bain (enfin, j'espère pour eux lol). Il n'y a plus de censure "professionnelle" puisque tout un chacun peut diffuser l'image qu'il veut sur le Net. Et rien n'empêche plus les risques d'une manipulation malentionelle : une césure bien placée dans un enregistrement audio pris sur le vif et voilà la machine médiatique qui s'emballe sur un malentendu. La campagne 2012 est aussi un spectacle technologique, ce qui doit conduire à nous interroger sur les limites à fixer sur l'utilisation des nouvelles technologies, au risque de voir paradoxalement la démocratie des urnes mise à mal par les outils d'une plus grande démocratie d'expression. 

La troisième certitude est que le paysage politique va connaître quelques bouleversements à partir de dimanche soir.                   On peut d'ores et déjà noter une divergence de stratégie au sein du Front de gauche. Le PC se voit bien intégrer un gouvernement Aubry sous la présidence Hollande, tandis que Mélanchon entend poursuivre sur cette dynamique de large  rassemblement  pour  avoir une chance à terme de supplanter le PS, dès que le gouvernement socialiste aura violemment heurté le mur des réalités. Certes, il ne faudra rien attendre de vraiment définitif sur le choix du PC avant la fin des négociations à venir pour les législatives. Mais après une longue période de disette, la place du colonel Fabien devrait préférer "tenir que courir" ; à court terme il y a dissonance entre cette stratégie partisanne et l'intérêt de Mélenchon à s'inscrire dans une démarche de force de gauche alternative pour 2017. Le devenir du Front de gauche dépend beaucoup du score de Mélenchon au premier tour et de sa crédibilité électorale à assumer son ambition à moyen terme. Quoi qu'il en soit, rien ne sera vraiment définitif avant la fin juin, puisqu'il est vraisemblable que le premier gouvernement Hollande de mai 2012, avec ou sans le PC, ne devrait pas être la version définitive sur lequel le nouveau président s'appuiera à partir de juillet. Le Front de gauche vivra au moins jusqu'en juillet.                                                  Du côté de l'UMP, on peut d'ores et déjà s'attendre à un vrai remue-ménage (remue-méninges ? lol) surtout si le score du président sortant au premier tour est bien en deça des prévisions "hautes". Les fins de règne sont toujours problématiques  pour le parti déchu. Le PS de Mitterrand avait failli exploser en 1995 ; l'UMP devrait imploser tant ce rassemblement est animé de courants qui, pour ne pas être contraires au point de vue idéologique, constituent autant de chapelles abritant un présidentiable en puissance pour 2017. Il faut dire que ce climat délétère a été nourri par Nicolas Sarkozy lui-même, en refusant d'organiser sa succession à la tête du parti et en n'ayant de cesse que d'affaiblir les uns et donner des ambitions aux autres. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'un socle dur "UMP rebaptisé" ne va pas perdurer, hypothèse d'autant plus probable si les deux-trois "favoris naturels" adoptent un modus vivendi pour affronter la traversée du désert jusqu'aux régionales, voire pour se projeter dans une stratégie pour 2017. En revanche, nombre d'électrons libres devraient succomber à la troisième voie portée par Bayrou (si celui-ci est dans une dynamique favorable) ou/et Borloo par exemple. Toujours en fonction des résultats du premier tour, la conviction sereine d'un Dupont Aignan pourrait aussi attirer ce qui reste de gaullistes purs et durs, à moins qu'un score "canon' de Marine Le Pen ne conduise certains partisans de la droite décomplexée à rejoindre un mouvement remanié de cette "droite dédiabolisée". Est-il besoin de rappeler que nombre d'actuels députés UMP auront besoin de l'électorat FN pour avoir une chance d'être élus.               Au centre du paysage politique français, il devrait se lever un mouvement "centripète", constitué des francs-tireurs de l'ex-UDF et des repentis de l'ex-Modem (vrais cocus politiques de l'UMP) ainsi que leurs partisans. Cette force devrait avoir à sa tête un triumvirat composé de Bayrou-le-rebelle, Borloo-l'opportuniste et de XXX- la surprise du chef, ce dernier étant un rallié de poids venu de l'UMP.          

Quant au mouvement écologiste, il devrait donc réussir le plus beau hold-up politique du moment : en ne représentant que 2-3% de l'électorat "présidentiel", il raflerait assez de circonscriptions, offertes par le PS d'Aubry au détriment des "Hollandais", pour constituer un groupe parlementaire et donc prospérer financièrement pendant les cinq ans de la prochaine mandature, sans compter les deux ou trois ministres/secrétaires d'Etat négociés en secret. Les coqs verts vont pouvoir pérorer sous les ors de la République. Peu leur importe qu'ils prospèrent ainsi sur les décombres d'une cause écologique qu'ils ont si bien su enterrer avec Eva Joly en porte drapeau. C'est aussi une certitude, l'Ecologie politique en France et la cause environnementale méritent beaucoup mieux que les actuels représentants de EELV. Qui aura le courage de se lever pour prendre le relai et défendre une vraie cause politique qui devrait être au centre des préoccupations comme au centre du paysage politique local ?

  

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Commentaires
A
Il est clair pour moi que les médias on failli<br /> <br /> à leur devoir de neutralité dans cette campagne, pire, elles se sont démenées à faire pencher à gauche l'opinion .Je pense notamment aux info de Monsieur Pujadas qui ne manque jamais de saisir les ragots pour en faire des soi disant informations ou de faire monter en mayonnaise des non-évènements. Il y a là un manque évident de respect pour les téléspectateurs qui souhaitent, je pense,entendre autre chose que des histoires de concierges aux informations . je me rends <br /> <br /> compte autour de moi que beaucoup d'autres le pensent aussi. Gare à ceux qui nous prennent <br /> <br /> pour des moutons, l'heure des comptes arrivera .
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