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Il y a comme un problème...
20 novembre 2016

Les enseignements de la candidature Macron

Faut-il être masochiste, ou bien avoir une très haute estime de soi, ou encore être dévoré d'une ambition démesurée pour prétendre à la magistrature suprême à l'aube des échéances de 2017 ? Sans doute un peu des trois, avec, comme dirait le César de Pagnol, des tiers à proportions variables selon les individus. Car enfin, vouloir être président d'une République en danger, sinon en déclin, à ce moment si particulier de notre histoire où chacun sent notre nation à la croisée des chemins, cela ne saurait constituer une sinécure, mais plutôt un long chemin de croix. Il reste à espérer que le vainqueur de mai 2017 sera effectivement le mieux armé pour nous orienter sur le meilleur des chemins possibles. 

Depuis quarante ans, la France s'est laissée enfermer dans une crise économique qui n'a eu de cesse de creuser les différences comme les déficits, de précipiter ses citoyens, les uns dans les affres du chômage, les autres dans la précarité sociale, et de diluer les valeurs républicaines dans les petites lâchetés du renoncement. Tous les pouvoirs qui se sont succédés ont été incapables de régler les situations difficiles ou d'anticiper les défis qui allaient survenir immanquablement. Dans un pays qui, à tous les étages, a cultivé le mot d'ordre "surtout pas de vague" jusqu'à la nausée, alors que, d'évidence, la mer grossissait sur tous les fronts sociaux, se sont installés les sentiments d'impuissance et d'abandon, faisant le lit du populisme ambiant. 

Et pourtant, on ne compte plus les prétendants à remplacer François Hollande dans quelques mois. Cinq d'entre eux seront éliminés dès ce soir, après les résultats de cette primaire de la droite... sans le centre. Pour deux quadras, cette épreuve constituait une mise en jambe, sorte de galop d'essai pour prendre date avec les français dans la perspective de 2022. Pour les autres, espérons qu'il s'agisse de leur chant du cygne, car il est qu'urgent de faire de la politique autrement !

A gauche aussi, les ambitions se bousculent au portillon de la primaire, et plus encore en dehors de celle-ci. Ainsi, la candidature d'Emmanuel Macron est-elle intéressante à plusieurs titres.

C'est d'abord un festival de premières : première fois qu'un trentenaire se lance dans cette course en pouvant espérer bien plus qu'un succès d'estime, si l'on se fie aux premiers sondages : le tabou de l'âge et de l'inexpérience supposée va-t-il être levé ?  Première fois qu'un politique se frotte au suffrage suprême sans jamais avoir affronté les urnes auparavant : le poncif qui veut que l'on doive avoir été maire, député puis ministre avant de diriger notre pays va-t-il être contredit ?  Première fois qu'un conseiller personnel du président, devenu ministre d'importance, ose concurrencer directement son mentor, puisqu'il ne fait aucun doute que François Hollande ambitionne de défendre lui-même son bilan : dans la France de 2016, un jeune élève peut-il enfin s'affirmer contre son maître - dépassé ou ayant failli -  sans payer le prix de Brutus ?

C'est ensuite le type même de candidature, qui, d'incongrue à improbable, s'est progressivement imposée comme allant de soi, bien soutenue, voire servie, par des médias complaisants. En effet, la créature politique Macron est autant le fruit d'un apprentissage manoeuvrier réussi à l'école de la Hollandie que le jouet de rédactions désireuses de créer le buzz pour combler le trou à gauche, après le désastre annoncé de la présente mandature. Logiquement, Manuel Valls eût été le représentant naturel du courant social-libéral du PS et pourtant Macron a su s'imposer sur ce créneau. Cela tient sans doute au fait que, même si il s'appuie sur un courant du parti, le chef du gouvernement manque de ces relais qui ont su susciter des appétits chez son concurrent, à savoir une certaine presse de gauche, les milieux bobos parisiens et surtout de riches amis du monde de la finance et du business qui voient en Macron un acteur bien plus malléable et intéressant qu'un ancien maire de banlieue difficile, adepte des coups de menton et de l'ordre républicain.

C'est enfin le signe d'une renaissance de l'esprit constitutionnel voulu originellement par le général De Gaulle. Après Mélenchon et sa France des insoumis, on assiste à l'émergence d'une personnalité qui se met en marche à la rencontre du peuple à l'occasion d'un scrutin présidentiel à venir. Même si, par la force des choses, il avait été forcé de composer avec le système des partis politiques, son illustre aîné avait su mesurer, à l'aune des blocages institutionnels de la quatrième république, le danger de ces appareils partisans, qui consacrent toute leur énergie à la conquête du pouvoir et qui alimentent toutes les ambitions néfastes lors de son exercice, au détriment du travail d'équipe en faveur de l'intérêt général. C'est peu de dire que la notion d'un homme providentiel, issu de la sélection intra-parti politique, a fait long feu dans l'opinion publique. L'appareil des partis de gouvernement est perçu comme une maffia qui se préoccupe plus de faire et défaire des carrières que de réfléchir à des solutions pour résoudre les problèmes du pays. Comment expliquer autrement la récurrente impréparation de ceux qui accèdent au pouvoir et l'inanité de leurs actions gouvernementales ?

La candidature Macron, c'est donc un pied-de-nez à la notion de ces primaires qui polluent désormais le débat public en exacerbant les ambitions personnelles à l'intérieur d'un même parti et en le gavant de petites phrases. Quand, par le jeu des alliances et des stratégies, le chef d'un courant largement minoritaire peut espérer faire main basse sur le parti, chacun s'active à créer sa propre chapelle identitaire ; à force de divisions pour mieux distinguer les individualités, le parti se délite et ne fonctionne que pour assurer une illusoire survie sous perfusion. Alors que sans les primaires, les porteurs d'une vraie différence seraient plus enclins à prendre leur envol, comme Nicolas Dupont Aignan a su le faire en son temps avec le RPR. 

Dans ce contexte, qui que soit le vainqueur au soir du 27 novembre, le candidat issu de la primaire à droite aura fort à faire pour apparaître légitime dans son propre camp et, malgré le bilan négatif de la gauche de gouvernement, rien n'est fait pour qu'il s'assure d'une place au second tour en mai 2017, et moins encore d'une victoire ! Cela devrait inciter les uns et les autres à faire preuve de plus d'humilité et à mettre leurs ambitions au service d'une certaine idée de la France, et non d'une très grande idée d'eux-mêmes. 

 

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