Pour un Memorial day à la française

Et si l'on en finissait enfin avec le férié du 11 novembre !? Ce n'est pas faire injure aux combattants sur le front et sur les lignes arrières de la "Grande guerre" que de s'interroger sur le besoin ou la nécessité de maintenir une célébration pour laquelle tous les acteurs sont désormais morts et enterrés. Si le devoir de mémoire a une utilité pour le présent, si ce genre de commémoration peut être vu comme l'un des fondamentaux concourant à la perpétuation du sentiment national, il n'en demeure pas moins vrai que les célébrations liées à la signature de l'armistice de 1918 créent un décalage avec le traitement réservé aux autres combattants, ceux morts au cours des nombreux conflits ayant émaillé le XXe siècle (hors seconde guerre mondiale). Certaines guerres, certaines pertes seraient donc glorieuses quand d'autres devraient rester honteuses ?! Comment ne pas avoir cette impression au moment où l'année 2014 va être dédiée à la si mal nommée "Der des ders" ?!

Aujourd'hui où certains observateurs de la vie publique s'essaient à faire des parallèles audacieux entre la situation politique et économique de l'année 1913 et celle de 2013, aujourd'hui où la construction européenne hésite par manque de courage et de volontarisme de ses dirigeants, faisant ainsi vasciller un édifice originellement conçu pour assurer la paix des peuples et la propérité d'un continent, n'est-il pas temps de laisser l'histoire aux historiens et d'aller de l'avant au lieu de se complaire dans la revisite perpétuelle de nos images d'Epinal ?

Si la France doit effectivement entretenir un devoir de mémoire, ne faudrait-il pas que celui-ci soit enfin plus global et surtout plus conforme aux réalités historiques ? Il est symptomatique de constaster que le coq gaulois, si prompt à se caler sur les traditions purement mercantiles apportées par l'oncle Sam (le "père Noël", Halloween..), n'ait pas adopté le "Memorial day" en lieu et place des glorieuses célébrations de ses armistices dont l'une, faut-il le rappeler, ne symbolise qu'une défense aussi héroïque que tragique (aucun soldat français n'a jamais pénétré en territoire allemand durant les quatre années du conflit), quand l'autre est principalement destinée à faire oublier que les "rebelles et autres terroristes" liés au général De Gaulle étaient largement moins nombreux que les sympathisants au régime du Maréchal. Et pendant ce temps-là, c'est une chape de plomb qui s'abat sur ces "morts pour la France" des théâtres extérieurs de la décolonisation et des opérations plus contemporaines. Est-il acceptable de perpétuer plus longtemps cette ségrégation faite aux "mauvais" morts pour le service de la patrie ?

Le chef de l'Etat doit saisir l'opportunité du centenaire 1914-2014 pour réformer le concept français d'hommage aux victimes de guerre en proposant un "jour du Souvenir", rattaché à tous les conflits, dédié à toutes les victimes, militaires naturellement mais aussi civiles car ce qui était vrai hier sous les bombardements massifs l'est encore plus aujourd'hui avec la montée des exactions du terrorisme. Ni 11 novembre, ni 8 mai, mais un jour libre de toute connotation "victorieuse" pour honorer un indispensable devoir de mémoire dû à tous ceux qui ont été sacrifiés sur les autels de la folie des hommes, de leurs ambitions, de leur cupidité ou de leurs idéologies.