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Il y a comme un problème...
4 novembre 2013

Hollande dans le mur

SI rien n'est jamais joué en politique et puisque rien n'est plus versatile qu'une opinion publique trop facilement orientée - pour ne pas dire leurrée - par les fièvres médiatiques, on peut néanmoins se demander comment le président de la République va pouvoir sauver le reste de son quinquennat du désastre. Deux choses sont plus particulièrement préoccupantes : le dévissage de sa popularité, unanime dans les sondages, a démarré au sortir de l'été 2012, moins de trois mois après son élection, pour ne plus s'arrêter depuis lors. Il ne s'agit donc pas d'un épiphénomène conjoncturel ou d'un mouvement yo-yo récurrent, mais bien d'une constante qui s'aggrave de mois en mois. D'autre part, si son temps d'exercice du pouvoir n'est que de 18 mois, les français ont souvent l'impression que ce "président normal" sévit depuis des lustres et surtout ils s'angoissent à l'idée qu'il doive encore le faire pendant trois années supplémentaires.

Je l'avais écrit voici bien longtemps ici : le candidature Hollande constituait pour le pays une terrible erreur de casting, non que l'homme n'ait pas des qualités, mais son caractère autant que sa méthode ne pouvaient pas être en adéquation avec les besoins d'une société en crise et les enjeux socio-économiques à relever. Les électeurs qui ont voté "Hollande" au premier tour ne peuvent être aujourd'hui en colère : Hollande fait du Hollande et il gère le pays comme il a toujours géré ses dossiers, notamment en tant que premier secrétaire du parti. Il n'y a pas eu tromperie, juste de l'aveuglement, à la manière de ces conjoints qui pensent qu'une fois le mariage consommé ils vont pouvoir "changer l'autre" pour le modeler à leur volonté. Quant à ceux qui ont voté "contre Sarkozy" au second tour, ils paient le prix de ne pas avoir voulu entendre les prévisions-anticipations du débatteur Sarkozy sur les conséquences pour le pays de la personnalité profonde de son opposant.

A l'erreur de casting originelle s'en est greffée une autre, dans le choix du Premier ministre. Là encore, il n'est pas question de critiquer l'homme, ni même le politique, mais dans la V-ème République il est bon que le paratonerre institutionnel siégeant à Matignon ait une personnalité décalée par rapport à l'hôte de l'Elysée. C'est peu de dire que Ayrault et Hollande, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Même transparence, même absence d'autorité naturelle voire de charisme doublée d'une communication catastrophique, Mais ce choix porté sur le maire de Nantes était un passage obligé, en l'absence de tout autre candidat volontaire ou crédible pour le poste.

Avec le recul, on constatera combien cet "exercice loué" de démocratie participative que sont les primaires s'avère en réalité néfaste pour la gestion du pays, d'un parti ou d'une mairie en cas de victoire. Regardons les conséquences de la primaire socialiste de 2011, regardons les effets du duel Copé-Fillon pour l'UMP, observons plus près de nous le combat fratricide des socialistes pour l'investiture à Marseille : les attaques, les rancoeurs, l'accentuation des divergences politiques au sein d'un même camp et  la comptabilisation du poids effectif de chaque courant, tout concourt à ce que le vainqueur en sorte plus déstabilisé que renforcé. En mai 2012, Ayrault, c'est d'abord un choix par défaut, en même temps que celui de l'amitié et de la certitude pour Hollande d'avoir une copie carbone qui ne viendra pas interférer dans sa méthode. Mais la Vème République exige un peu plus pour fonctionner.

Aujourd'hui entre ras-le-bol, déprime et angoisse pour l'avenir, les français demandent des changements Neuf français sur dix selon un récent sondage, veulent un changement de méthode, un changement de politique ou un changement d'hommes. La France est devenue un pays de braises brûlantes qui ne demandent qu'à s'enflammer au moindre souffle du vent de la révolte. Pour un candidat dont la posture affichée était la pacification de la société française, le bilan à 18 mois n'est pas préoccupant, il est dévastateur.

Hollande a fait sien le viatique Mitterrandien "donner du temps au temps". Sauf que le François d'hier n'évoluait pas à l'ère des réseaux sociaux, de l'internet et des exigences/contraintes de la mondialisation. La génération geek a encore accéléré notre rapport au temps. Hollande est donc en déphasage avec les générations montantes. C'est toujours le problème de vouloir appliquer sans discernement les vieilles recettes politiques. Plus généralement, cela explique aussi le manque total d'imagination de celles et ceux qui nous gouvernent, englués dans leurs certitudes apprises sur les bancs des grandes écoles, promotions 60-70 et 80.

Alors quels changements ? Difficile de changer fondamentalement de politique économique et financière sauf à choisir l'isolement total dans la construction européenne et la mondialisation avec les conséquences haussières pour le financement de la dette sur les marchés. Difficile de changer de méthode sans changer les hommes, puisque les deux sont fortement liés. Changer les ministres sans changer le chef du gouvernement n'aurait pas de sens, surtout quand deux tiers des ministres restent encore largement méconnus des français ! Remercier Ayrault, le choix s'impose de lui-même, sauf que le président joue la montre et préfère attendre le résultat des deux scrutins à venir en 2014, les municipales et les européeenes. Il sait que "l'effet du nouveau venu" n'aura aucun impact sur le coup de semonce électoral attendu ; ce serait donc "griller son joker" que de l'exposer avant octobre 2014.

Se défaire de Ayrault certes, mais pour le remplacer par qui ? Et c'est là tout le problème pour Hollande : aucun de ses fidèles compagnons ne provoquera un effet salutaire dans l'opinion, si tant est qu'il y ait parmi eux un courageux suicidaire. Quant aux "figures socialistes", les dissensions personnelles entretenues avec Hollande paraissent rédhibitoires, sans compter le fait que cela ferait entrer l'exécutif dans une cohabitation inédite intra-socialiste. En réalité, la seule nomination légitime qui s'impose pour les français à cette heure est celle du plus à droite des socialistes, l'actuel ministre de l'Intérieur. Parce que les français veulent entendre un discours clair, cohérent, logique ; parce qu'ils attendent de l'exécutif la permanence d'un cap, une fermeté de ton et de posture. Petit souci : si il est plebiscité par l'opinion en général, Valls n'est pas dans les petits papiers d'un certain nombre d'apparatchiks du parti et des alliés actuels EELV. Comment satisfaire l'opinion sans se couper du coeur même du PS, voilà l'une des quadratures du cercle à laquelle Hollande se trouve désormais confronté.Le plus désolant, le plus inquiétant dans cette histoire du Hollandisme, c'est qu'un retour aux urnes dans l'hypothèse de législatives anticipées n'accoucherait d'aucune solution satisfaisante puisqu'on ne voit guère qui, à droite ou au centre, pourrait légitimement s'ériger en chef de majorité premier ministrable, ni quelle "autre" politique pourrait alors être mise en oeuvre. Aussi à ce stade d'insatisfaction et de peurs chroniques, je ne vois pas comment un président, soucieux du bien public et de la préservation de l'avenir du pays, pourrait faire autrement que de provoquer un nouveau scrutin présidentiel, à charge pour chaque candidat dans "sa rencontre avec le peuple", de donner enfin un programme applicable point par point par ordonnance dans les six mois de son investiture. C'est à ce prix que les engagements pris, forcément difficiles mais indispensables, auraient une légitimité populaire qui ne saurait être contestée par le rue. Mais on peut parier que le schéma intellectuel qui prévaut dans les cercles du pouvoirs tiennent moins du sauvetage de la nation que de la stratégie politicienne. Quand je vous dis qu'il y a un problème...

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