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Il y a comme un problème...
9 mars 2012

Pour un choix d'adhésion au 1er tour

Amis lecteurs,

L'été dernier, les instituts de sondage plaçaient quatre candidats dans un mouchoir de poche au soir du premier tour de scrutin. Crédités peu ou prou d'une vingtaine de pour cent, MM. Sarkozy, Hollande et Bayrou ou Mme Le Pen pouvaient, chacun, prétendre à la qualification pour le duel final, marge d'erreurs oblige ; et aussitôt fut évoqué le "spectre du 21 avril 2002", jour de "scrutin funeste" qui avait vu la qualification du représentant du Front National en lieu et place du candidat "normal" PS. J'espère que les commentateurs de 2011 n'entendaient pas placer la perspective d'un second tour sans le candidat PS ou UMP sur un même plan, que l'outsider soit le chef du Modem ou issu du FN, car cela renforcerait de fait l'argumentaire de Mme Le Pen sur "l'Etat UMPS" et "la connivence collaborative des médias à ce duopole", ce qui serait évidemment mauvais, voire dangereux à terme, pour le fonctionnement de notre démocratie d'opinion. Mais il est vrai que depuis l'avènement du "politiquement correct", il y a du formatage des esprits dans l'air.

L'épouvantail "Le Pen/FN", pour dire clairement les choses en lieu et place du "21 avril", a donc été mis en avant par les deux grands états-majors pour mettre au pas les velléités de candidatures "parasites" pouvant affaiblir l'un ou l'autre des représentants du bipartisme de fait. Rien de tel qu'une menace, serait-elle fantôme, pour rassembler "utile". Cela fut d'autant plus vrai à droite, avec les renoncements successifs de MM. Borloo puis Morin, et dans une moindre mesure de "WomanBomb", Mme Boutin A gauche, c'est surtout le show des primaires socialistes qui a eu ce double avantage de discréditer toute tentative d'émancipation extérieure à ce processus d'état-major et de monopoliser les projecteurs de l'actualité durant six semaines sur un seul parti... ce qui constitue une vraie performance de communication maitrisée, d'où le succès populaire rencontré par ailleurs.

Aujourd'hui, les sondages détachent les deux "favoris traditionnels" du reste de la meute des prétendants au siège surpême. Le "spectre", devenu inutile, a donc été rangé au placard. Cependant, pour peu que les français se rendent compte que le "rassurant" M. Sarkozy ne constitue aucunement un parapluie anti-crise mondiale et que le "normal" M. Hollande n'est pas crédible en chef de majorité, spécialement par gros temps, où les arbitrages délicats devront être décidés dans l'instant et avec fermeté (ce qu'il a été incapable de faire dans son seul parti durant 10 ans!), il se pourrait bien que les intentions de vote pour l'un et l'autre ne s'effritent au profit de leurs outsiders, pourtant déjà passés à la trappe médiatique. Surgirait alors à nouveau le chiffon rouge du spectre... (oui, je sais normalement le chiffon du spectre est de couleur blanche, mais bon ça le fait moins comme image non ?! ) pour tétaniser l'électorat.

Or on nous mentirait.... Un mensonge de plus, me direz-vous ?... Le "21 avril", qu'il soit "à l'endroit" ou "à l'envers", ne peut se reproduire pour la simple raison que les conditions de campagne sont différentes et ne pourront plus être reproduites. Entendons-nous bien, par "21 avril", je parle ici de la qualification "surprise" d'un candidat représentant une extrême (droite ou gauche) qui amènerait un second tour de mobilisation "républicaine". Car la qualification de M. Bayrou, voire de MM. Villepin ou Dupont Aignan n'est pas, comme on voudrait aussi nous le faire croire, une hypothèse de type 21 avril mais uniquement l'expression d'une volonté de changement... de "vrai" changement, devrais-je ajouter, tant les dogmes et les appareils UMP et PS sont sclérosés et sclérosants par définition, après 30 années de pouvoirs partagés.

Le 21 avril 2002, les français avaient à choisir entre une dizaine de candidats, parmi lesquels les deux "favoris naturels" des sondages et des médias, MM. Chirac et Jospin, "favoris naturels" car ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on joue le second tour longtemps avant le premier dans le microcosme politico-médiatique. Ce scrutin présentait pourtant une vraie originalité qui est encore largement passée au second plan dans les commentaires et analyses d'hier et d'aujourd'hui, à savoir que les supposés champions de la droite et de la gauche étaient tous deux des candidats "sortants", le président Chirac après un quasi septennat de cohabitation suite à la dissolution ratée de 1997, le premier ministre Jospin après cinq années passées à la tête du gouvernement. Deux sortants, deux bilans et en définitive aucune perspective de changement, surtout du côté socialiste où il aurait été surprenant que l'attribution des ministères change en profondeur et que le cap suivi depuis cinq ans soit grandement modifié. Est-il alors si étonnant qu'un troisième larron ait pu tirer les marrons du feu en grignotant des dixièmes de pour cent, en capitalisant à la marge les déçus d'une droite molle - qui avait permis cette cohabitation laxiste sur les aspects sécurité et immigration - et les rancoeurs d'un électorat populaire, victime d'une gestion sociale incohérente d'une période d'entre-deux crises ?

En quoi l'élection de 2012 pourrait-elle ressembler à celle de 2002 ? Il y a aujourd'hui un seul bilan, incarné par un sortant unique qui, pour être contesté, représente néanmoins un socle électoral "bas" de 23% ; quant au candidat socialiste, qui bénéficie de dix années de virginité dans une opposition systématique, il est assuré d'une base minimale de 25%. Le ticket d'entrée pour le second tour devrait donc s'établir autour de 23%. A ce niveau-là, peut-on encore parler de "21 avril" ? N'est-ce pas le choix souverain de l'électeur que de pouvoir redistribuer les cartes si le besoin s'en fait sentir ?  Qui peut penser un instant qu'un(e) candidat(e)   crédité(e) de 15% puisse réaliser une telle progression le jour du scrutin à l'insu des observateurs avertis de la vie politique ?... Ou alors les sondeurs doivent se trouver une autre occupation !        

La situation de 2002 était extra-ordinaire, et en cela elle ne saurait se reproduire. Pour s'en convaincre, rappelons-nous la fin de règne Mitterrandien 1993-1995. Y a-t-il eu une surprise de type "21 avril" anticipé ? Non. Pourtant là aussi, la France connaît une période de cohabitation (la première). Là aussi il y a deux bilans ; sauf que les deux années de la droite au pouvoir n'ont pas pu avoir un impact significatif sur le ressenti de l'électorat, dans la mesure où la campagne pré-électorale "de succession" a démarré dès 1994. Deux sortants, mais pas d'effet "21 avril" : pourtant ce scrutin de 1995 offre en plus un combat fratricide aux électeurs de la droite dite républicaine, avec le duel RPR Balladur-Chirac. En divisant les voix des électeurs RPR/UDF que n'a-t-on assisté à l'émergence d'un troisième homme à l'extrême-droite de l'échiquier politique ? Et alors même que les forces socialistes sont divisées et affectées d'un bilan fin de règne bien peu glorieux, comment se fait-il que le candidat de la Rose ait pu se qualifier ? Tout simplement parce que le ticket d'entrée du second tour n'était pas accessible car trop élevé. 

Le 21 avril 2002 est donc bien un scrutin atypique qui ne saurait constituer une référence crédible en terme d'élection présidentielle, sauf à vivre un effondrement du vote Sarkozy, phénomène qui serait lisible dans les sondages. Vous l'aurez compris, le discours sur le risque "d'éparpillement des voix", le "spectre du 21 avril", la consigne de "vote utile" ne sont que des stratagèmes pour engluer l'électeur dans un système de bipartisme qui ne correspond ni à la lettre, ni à l'esprit de notre Constitution et du Code électoral. Et si d'aventure un profond discrédit touchait l'un ou l'autre des favoris pressentis de cette élection de 2012, en quoi la volonté populaire de porter potentiellement un "troisième homme" au pouvoir devrait-elle être interprétée comme une déviance de notre système démocratique ? Vox populi, vox dei... Et si on laissait l'électeur choisir son candidat du premier tour "par adhésion" pour une fois ?

 

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