La quenelle est un produit indigeste

Cela fait plusieurs semaines que mes activités professionnelles m'ont quelque peu éloigné physiquement de la France et de ses "affaires". Engagé au pays du Soleil levant dans une expérimentation aux enjeux environnementaux autrement plus importants que les petites phrases politiques et les postures pré-électorales, jamais très éloignées de la plus parfaite des mauvaise foi, j'ai donc délaissé ce blog, mais l'actualité récente me force néanmoins ce soir à ajouter mon petit grain de sel ici, 

De la quenelle, je ne connaissais voici peu que la spécialité culinaire des bords de Rhône et Saone. Il aura fallu la comedia del'arte orchestrée par Emmanuel Valls pour que je prenne conscience qu'il s'agissait en réalité de l'un de ces faits de société majeurs desquels le gouvernement devait naturellement s'occuper toutes affaires cessantes : c'est si vrai que le chômage est enfin sur le reculoir, que l'agriculture française a enfin trouvé sa cible et que la reprise arrive forcément grâce à la multiplication des "plans Ayrault pour les entreprises"!! J'avoue n'avoir toujours rien compris ni à la posture des doigts ? des bras ? , ni aux vrais tenants et aboutissants de ce "salut nazi" qui serait le "nouveau" signe de ralliement de tous les antisémites pour les uns, des anti-systèmes pour les autres. Vu de loin et à travers les quelques articles que j'ai pu lire, tout cela reste assez confus dans mon esprit. Ce qui m'apparaît clairement en revanche, c'est que cette guerre déclarée de la puissance (socialiste) publique à un individu, Dieudonné en l'occurrence, va produire un effet à l'opposé du but officiellement affiché : d'un micro phénomène limité aux rares spectacles de ce personnage si contreversé et à ses quelques afficionados, voilà que la quenelle est propulsée tout en haut des affiches. La France ne semble tourner qu'autour de ça. Une agence de communication aurait voulu en faire la publicité et faire une opération marketing pour le sieur Dieudonné qu'elle ne s'y serait pas prise autrement. Alors, Valls est-il le meilleur bateleur des spectacles de Dieudonné ? Comme si cela ne suffisait pas, voilà un mannequin plastique en vitrine suspecté de quenelle : début de paranoïa. Et voilà deux élèves exclus de leur établissement pour y avoir "fait une quenelle" : un doigt ou un bras d'honneur au prof, l'équipe pédagogique est aux abonnés absents depuis des lustres, mais une quenelle en photo, alors non, vraiment ça ne passe pas. Vite il faut saisir la justice (garde à vue !!) et le conseil de discipline. Quelle drôle de société que voilà !

Aujourd'hui l'arsenal législatif est suffisamment dense pour que le cas Dieudonné soit traité au civil sur plainte individuelle, voire au pénal s'il y a bien matière à poursuites. Pourquoi alors "victimiser" Dieudonné et rendre cette fameuse quenelle aussi populaire, car par adhésion, par bêtise ou par esprit de résistance et/ou de contradiction, il est probable qu'un vent de quenelle va effectivement réunir tous les "anti" de France, dont nombreux ne savaient même pas que ce "signe de ralliement" existait.

"L'émotion" de M. Valls n'est rien d'autre qu'une stratégie politicienne pro domo à double détente : au plan personnel, le voilà qui renforce sa posture de premier ministrable au sortir des scrutins de 2014, auprès des français certes, mais aussi et surtout auprès de ses "camarades socialistes" qui lui battaient froid depuis ses clashes répétés avec Mme Taubira. Au plan plus collectif, voilà le gouvernement Valls - ah non pas encore c'est toujours Ayrault - qui entend profiter d'une non-affaire pour passer sur le bilan 2013, le défaut de la parole présidentielle sur l'inversion de la courbe du chômage (malgré les contrats aidés !) et pour tenter de rebattre les cartes électorales avec des amalgames sur le FN. 

A trop abuser des quenelles, l'indigestion guette. A cette heure, qui peut pronostiquer, de Dieudonné ou de Valls (et du gouvernement) lequel en aura lourd sur l'estomac au moment de tirer le bilan de cette agitation qui exacerbe les tensions et creuse encore plus la société ? Le candidat Hollande s'était présenté comme un président qui allait pacifier la nation déchirée par cinq années de Sarkozysme. C'est peu de dire que dans son étrange et extravagant exercice du pouvoir, le pompier François s'est fait pyromane !