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Il y a comme un problème...
2 janvier 2019

Un Président ne devrait pas être comme ça

Post du 13/11/2018 publié le 02/01/2019

 

La Constitution de 1958, largement dénaturée avec l'adoption du quinquennat peut-elle s'accommoder durablement de la présidence Macron ?

Détrompez-vous si vous pensez lire ici  un procès à charge contre un président en perte de vitesse dans l'opinion publique. Certes, il y aurait matière : il s'apprête à affronter une fronde populaire, qui, insuffisamment encadrée par les "corps intermédiaires" rejetés par lui depuis dix-huit mois de pouvoir autocratique, catalyse de profonds mécontentements au point de pouvoir provoquer des troubles graves sur les routes du pays. Pour peu que la mobilisation soit forte en certains points du territoire, quelles consignes seront données à la force publique, dès lors qu'il y a blocage effectif et durable de la libre circulation des personnes et des biens et aucun interlocuteur pour négocier ?!  Rien n'est plus dangereux que des individus incontrôlés réunis en bandes désorganisées ; et les partis politiques devraient se garder à encourager les blocages, possiblement annonciateurs de barricades anarchiques.

Et pourtant tel n'est pas mon sujet : cette réflexion est déconnectée de l'actualité immédiate en ce qu'elle porte sur la personnalité d'Emmanuel Macron. Observateurs, commentateurs, opposants et même sympathisants du candidat En Marche de 2017 se sont tous trompés : non, Emmanuel Macron n'est pas un banquier dans l'âme. Certes, son parcours professionnel l'associe à une grande banque d'affaires et il a oeuvré dans les couloirs étatiques de l'économie, en tant que conseiller spécial de la présidence puis ministre de François Hollande. Certes, son profil de carrière lui fait aimer à ce point le libéralisme qu'il s'est trouvé moins soutenu que porté par les milieux d'affaires, voire par certains affairistes, auxquels il s'est empressé, par idéologie comme par stratégie économique (avec la fameuse "théorie du ruissellement" qui ne saurait plus jouer à l'heure de la financiarisation mondiale de l'économie !), de renvoyer l'ascenseur par des mesures fiscales bien trop favorables, et sans contrepartie. Mais l'essentiel du personnage n'est pas là.

Emmanuel Macron est un intellectuel et la vraie question qui se pose est de savoir si un intellectuel peut présider un pays comme la France, si prompte à la division manichéenne. Se targuant de philosophie, d'histoire et de littérature - pour ne rien savoir de ses inclinations personnelles vers d'autres formes artistiques -  il a le don et l'amour du verbe, même s'il n'est pas un tribun. C'est une évidence : rien ne l'éclate plus qu'un discours finement ciselé où les références littéraires et historiques abondent, quel que soit le sujet traité, quel que soit le dossier du moment. Hors des sujets économiques sur lesquels sa doxa libérale emporte tout, Emmanuel Macron est l'apôtre naturel du "en même temps" car cette position correspond à sa nature profonde d'intellectuel "ni de droite, ni de gauche" : sa vérité, pour autant qu'il puisse la reconnaître comme telle, est médiane, dans cette zone subtilement dégradée de gris, entre le noir et le blanc. Pour lui, c'est fondamental : rien n'est jamais simple, tout est toujours si complexe que tout s'excuse et que tout peut se justifier : la politique régalienne (sécurité, justice, défense et diplomatie) ne peut qu'en être altérée. Pour lui, rien n'est jamais définitivement assuré, et c'est en cela même que ce président est incapable d'apparaître rassurant aux yeux de ses concitoyens. La mesure et le doute sont ses compagnes, car, philosophe oblige, il considère que tout est changeant, mobile, variable. C'est certes l'essence même de la nature et du monde, mais cela ne saurait être la base intellectuelle d'un politique en charge de la nation : avec cette manière de penser et d'être, Emmanuel Macron n'a jamais foncièrement tort, mais il saurait jamais emporter longtemps la raison du plus grand nombre.

Le problème avec ce genre de profil, c'est que le verbe semble parfois se suffire à lui-même et que les actes n'ont pas forcément vocation à suivre : or bien gouverner, c'est surtout "faire", bien plus que dire. Le problème aussi, c'est que cet idéal discursif toujours sublimé, ainsi proposé ou projeté aux auditeurs, se fracasse généralement sur le mur de leurs réalités : Emmanuel Macron, dans son rapport à l'Histoire comme dans le ressenti des gens, est soit en avance, soit en retard ; le contre-temps est le tempo du maître autoproclamé des horloges de la même manière que ses digressions à l'emporte-pièce sont à contre-sens de son devoir d'écoute. Le problème encore, c'est qu'en l'absence de résultats, les vents contraires ne peuvent que creuser un fossé entre ce "vouloir" idéal présidentiel et, à la fois, le "pouvoir" gouvernemental et l'acceptation sociétale. Le problème enfin, c'est que les grandes questions sont, par lui, jaugées à l'aune de la morale, politique ou philosophique, sur fond de références historiques quand il devrait s'agir, au poste qui est le sien, d'apporter des réponses actuelles et pragmatiques, en plus de délivrer une vision cohérente à plus long terme.

Il ne sert à rien d'adopter la posture romantique de celui qui assume tout, "de Clovis à Robespierre" comme a dit Napoléon 1er, si dans les faits, cela consiste à faire porter aux autres le poids des inconséquences. Il y a un côté rêveur, animé de folles espérances dans le personnage d'Emmanuel Macron ; un président français ne devrait pas être comme ça, et à tout le moins, pas que comme ça !

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  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
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