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Il y a comme un problème...
2 janvier 2019

"Pasdevague" une alarme vaine, mais salutaire

Post écrit le 07/11/2018, réédité pour publication le 02/02/2019

 

Avec Twitter, les initiateurs du gazouillis espéraient sans doute amener les utilisateurs du réseau social à rendre plus concise l'essence de leurs pensées. Ils n'auront que favorisé l'outrance de la parole ainsi portée, concourant à des manifestations de plus en plus hystériques du verbe, voire des actes par effet de contagion. Avec un discours tronqué par nature, nous ne sommes jamais très loin de la caricature, de la calomnie et de l'invective. Pour autant, s'y exprime aussi une saine libération de l'expression qui présente l'avantage d'exposer certains problèmes de société au grand jour. C'est notamment le cas avec le ashtag "pas de vague".

J'ai entendu cette expression dès mon entrée dans la vie active, quand j'ai rejoint la si bien nommée "Grande muette". Sauf qu'elle se voyait alors précédée d'une autre, moins compréhensible en l'état : "pas de sac". Ce "pas de sac, pas de vague" a accompagné tout mon parcours militaire, parce que rien n'importait plus à la hiérarchie des barrettes que de mettre la poussière des gabegies, des incompétences et des petites lâchetés sous le tapis feutré des états-majors étoilés. Ce "pas de vague" était à ce point institutionnalisé que les inspections, supposées contrôler le bon fonctionnement des services, et ainsi rendre compte des imperfections et des manquements pour pouvoir les pallier par la suite,  étaient annoncées des semaines à l'avance, pour être bien sûr que les intéressés puissent rameuter tout leur personnel à temps et ainsi organiser leur petit village Potemkine. "Pas de vague" se fredonne sur l'air du "tout va bien, madame la marquise".

Le "pas de vague" est le Sésame obligé pour faciliter le parcours de carrière de tout cadre de l'administration visant de grimper tout en haut de son échelle, sinon le plus rapidement possible, du moins en respectant le temps statistique. Parce que, depuis toujours, le messager porteur de la mauvaise nouvelle doit être puni, à défaut de n'être plus pouvoir être exécuté. Du préfet au petit chef de service en passant par tout ce qui compte d'échelon et de grade dans la haute et la basse administration, le premier souci de tout nouvel arrivant est "que ça se passe bien durant mon passage". C'est le fil rouge mental qui conditionne l'approche des dossiers. Surtout "pas de vague" pour ne pas risquer de voir  son supérieur et les propres supérieurs de celui-ci se pencher sur son cas, ce qui ne serait pas bon pour le profil de carrière.

Que vaut l'idéal et le courage de ses convictions face aux vicissitudes économiques et à cette pression démissionnaire de la hiérarchie, et par là de la société dans son ensemble ? Traverser la carrière sans trop faire de bruit, ni d'ombre afin de profiter d'une retraite bien acquise, voilà ce qui a gangrené la société durant des décennies, renvoyant l'étude des problèmes et la volonté de les résoudre aux calendes grecques !

Ceux-là même qui ont voulu accéder aux responsabilités sont tétanisés, toujours prompts à sortir le plus grand parapluie possible pour se couvrir à l'annonce du premier nuage. Si le courage manque, c'est bien parce que le soutien, comme le bon exemple, ne vient plus d'en haut.  Ainsi, trop souvent les maires des petites communautés, villages, bourgs et villes moyennes, se refusent-ils à mettre fin aux incivilités du quotidien dont les coupables sont pourtant identifiés de longue date, peut-être pour préserver leurs chances d'être réélus s'ils s'agit de familles influentes dans leur communauté, assurément pour éviter d'être pris pour cible par ces nouveaux asociaux, puisqu'ils savent pertinemment ne rien pouvoir attendre de l'Etat et du préfet.

Il est peu probable que ce hastag change quoi que ce soit à un état d'esprit et un mode de fonctionnement aussi profondément ancrés dans le corps social. Mais au moins est-ce un premier pas salutaire pour prendre conscience de l'ampleur du problème et pour réfléchir à des solutions concrètes pour sortir de l'enlisement actuel. Il ne faudrait que du courage et une vraie volonté verticale, du haut vers le bas de la pyramide. On voit que le chemin promet d'être long !

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