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Il y a comme un problème...
11 février 2017

L'absence de centre, un problème pour l'équilibre des forces politiques

Personne ne le relève et c'est bien regrettable : l'une des nouveautés de la campagne 2017 tient au fait que cette élection présidentielle, si particulière à bien des égards, a tué le centre, et cela par deux fois. Par deux fois, car, à l'heure où nous écrivons ce post, François Bayrou n'a toujours pas pris sa décision de se présenter pour ce qui serait sa quatrième participation. Et compte tenu de l'atmosphère actuelle de "dégagisme", concept cher à Jean-Luc Mélenchon, son entrée en campagne à moins de 70 jours du scrutin serait pour le moins suicidaire : "l'homme à la gifle" de 2012 n'a pas le tempérament d'un "blitzkrieger". Si Bayrou renonçait, alors le centre, c'est-à-dire en l'occurrence tous les partis se réclamant du centre dans le paysage politique français, serait bien le grand absent de cette élection majeure dans notre démocratie. 

La première mort du Centre, ce fut la primaire organisée par Les Républicains. Quand bien même celle-ci avait perdu sa dénomination initiale "de droite et du centre" pour n'être qu'une compétition interne au parti de Nicolas Sarkozy, l'invité Poisson mis à part, la primaire avait néanmoins réussi à phagocyter les trois partis qui se disputent le centre politique en France. En décidant de soutenir chacun un candidat à la primaire, l'UDI de Jean-Christophe Lagarde, le NC d'Hervé Morin et même le MoDem de François Bayrou se sont plus ou moins sortis du jeu électoral d'avril 2017. Ces ralliements, qui derrière Juppé, qui derrière Le Maire, ne disaient que trop leur volonté de déserter le combat des chefs pour ne constituer qu'une force d'appoint, fut-elle symbolique. Et de fait, leur stratégie a contribué à ne pas offrir aux électeurs du centre une option clairement identifiée centriste pour l'élection qui, par sa mobilisation, est la seule qui compte vraiment en France ; cela en dit long sur la faiblesse de cette famille politique, détruite par des luttes d'ego et par de profondes divergences tactiques. Sans doute les sondages qui prédisaient une large victoire d'Alain Juppé, le plus centriste des Républicains, ont-ils joué un mauvais tour dans cette prise de décision collective, à défaut d'être vraiment collégiale, mais il ne faut pas sous-estimer par ailleurs l'influence des arrangements d'appareil dans la perspective de la répartition des investitures pour les législatives à suivre. Quoi qu'il en soit, avec la victoire de Fillon, le centre, à vrai dire sans candidat, est rentré dans un relatif anonymat qu'une défaite de la droite transformerait en longue traversée du désert, sans réelle présence au Parlement.

Et c'est bien là la seconde mort du Centre, cette incapacité récurrente à exister par lui-même ou à peser désormais dans ce scrutin. Car, et c'est bien le plus grave, cette absence de tout représentant a provoqué un appel d'air qui a favorisé la démarche d'Emmanuel Macron. Or le leader d'En Marche n'est ni centriste de coeur, ni centriste de ralliement. Ce n'est pas parce qu'il se réclame "ni de droite ni de gauche" ou qu'il est considéré "et de droite et de gauche" que le chouchou des médias - c'est normal, un bon comédien fait toujours vendre ! - se situe au centre de l'échiquier politique. Ou alors cela signifierait qu'être centriste en 2017, c'est avoir a priori des idées très libertaires sur les questions sociétales, une position très libérale sur les questions sociales et un corpus économique à géométrie variable mais avec des marqueurs de gauche relativement affirmés. J'ai bien précisé "a priori" puisque plus Macron-le-philosophe parle et moins on saisit l'articulation de son projet et les mesures pratiques qu'il entend mettre en oeuvre. Par mesures pratiques, j'entend bien sûr des solutions nouvelles, susceptibles d'apporter des réponses concrètes aux problèmes que les politiques successives de gauche et de droite et de gauche (Hollande n'étant pas Jospin) n'ont jamais réglés.

Macron peut bien aspirer les électeurs de centre dans les intentions de vote, son mouvement de citoyens est avant tout un tourbillonnement d'enthousiasme et d'idéaux divers et variés qui fédère par centrigugation et au centre duquel on ne trouve que le vide "idéologique". Or le vide n'est pas le centre ; le centre "historique" n'est pas une absence de conviction ; cela ne se résume pas à un milieu incertain et mouvant d'idées éparses et de projets multiples qui ne seraient marqués ni par les valeurs de droite, ni par les supposés de gauche.

Comme ce fut le cas pour François Hollande en 2012 - et l'on a vu le résultat ! - Macron agrège avant tout des rejets, rejet du programme Fillon - et maintenant de sa personnalité -, rejet des deux projets de la gauche "bien à gauche", Hamon et Mélenchon, rejet des droites patriotiques de Le Pen et NDA. Cela ne fait pas de lui un candidat centriste, et encore moins un représentant du Centre.

On a l'habitude de dire qu'en France, les élections présidentielles se gagnent au centre, pour la droite comme pour la gauche ; pour preuve, les choix de Bayrou, "faiseur de roi", qui ont favorisé Sarkozy en 2007 et Hollande en 2012. Cette année, en cas de duel Le Pen - Macron, le glissement se fera dans le sens inverse : c'est ce centre putatif Macronien qui devra décider de pencher d'un côté ou de l'autre pour l'emporter. Parions alors que cela sera à gauche et rien ne dit, alors, que les électeurs centristes ne se sentiront pas comme les cocus de l'histoire. 

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