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Il y a comme un problème...
14 janvier 2017

Politique de Défense : un consensus politique qui masque les vrais enjeux et les vrais défis

Il n'y a rien de pire dans une campagne électorale que le consensus. En effet, celui-ci prive les citoyens d'un débat sur un sujet potentiellement d'importance ; or, cette sorte de pensée unique fait courir le risque de se fourvoyer dans les grandes largeurs. Cela va être le cas avec les questions de Défense. Après l'impréparation d'avant 1914 et l'incurie d'avant 1939, il serait gravissime que le pays soit encore à la rue au moment où l'idée européenne se délite, où l'islam radical joue sa partition califesque et où les super-puissances, USA, Russie et Chine, rebattent entre elles les cartes de la géostratégie mondiale.

Mais la défense française, qu'est-ce que c'est au juste ?

C'est d'abord un concept basé sur la sanctuarisation du territoire national (on devrait d'ailleurs dire du territoire métropolitain pour être plus juste, compte tenu du désengagement graduel des forces dans les départements et pays ultra-marins) avec sa composante nucléaire stratégique. C'est ce qu'il est commun de nommer la "dissuasion". L'idée est qu'en cas d'invasion du territoire, le bouclier nucléaire se transforme en foudre atomique pour dévaster le camp ennemi. Voulu par De Gaulle il y a près de 60 ans, l'usage potentiel de l'arme atomique adhérait à la fois au souci d'indépendance nationale chère au général et à la menace d'alors, sous la forme d'une confrontation Est-Ouest, Pacte de Varsovie - OTAN. Depuis, beaucoup d'eau est passée sous les ponts (et au-dessus avec des inondations plus fréquentes), la menace a largement évolué et nul ne sait si un président de la République française prendrait la responsabilité d'engager le feu nucléaire - tactique ou stratégique - pour contrer une attaque classique. Quand on voit les polémiques politico-médiatiques qui s'engagent quand une frappe aérienne "chirurgicale" provoque quelques pertes collatérales, il est facile d'imaginer l'hystérie qu'il y aurait à évoquer l'éventualité d'une destruction massive "préventive". Or cette dissuasion a un coût non négligeable pour les finances publiques et dans le budget global de Défense. Ce sujet devrait être posé, ne serait-ce que pour actualiser la doctrine d'emploi de l'arme atomique ; ce n'est pas le cas.

Plus généralement, la Défense, c'est tout ce qui concourt à la protection militaire de la nation et de ses intérêts, en tous lieux et en tous temps. On aborde là un domaine à géométrie variable, où le subjectif et l'histoire le disputent à l'objectivité dans l'assignation des missions. En cela, c'est une façon de défendre des priorités économiques - notamment en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement en matières premières - tout en donnant un certain poids à sa politique diplomatique (quand il y a une ligne bien définie, ce qui n'est plus guère le cas depuis des années !). On aborde là la question des forces de projection extérieure et l'entretien de bases militaires permanentes dans des Etats tiers, sur le continent africain. Vestige d'un passé colonial pour les uns, indispensable élément de coopération pour les autres, cette présence devrait a minima faire l'objet d'une réflexion car elle donne matière à alimenter les rumeurs de conspiration dans des régimes démocratiques toujours fragiles, voire contestés par une opposition politico-religieuse active. Quant à la capacité de projection des forces, la doctrine mériterait d'être consolidée par une mise à disposition de moyens adaptés, en personnel et en matériel, ce qui n'est toujours pas le cas dans une armée trop habituée à satisfaire sa hiérarchie par sa débrouillardise sur le terrain. Bien connue des soldats en opération, le concept de "bite et de couteau" a la vie dure. 

Mais la Défense française, c'est surtout une relation incestueuse avec le complexe militaro-industriel national/local pour lequel elle sert à la fois de vitrine, de banc d'essai et de débouché plus ou moins naturel. On touche là aux questions économiques, à l'équilibre de notre balance commerciale et à la préservation de l'emploi dans un pays socialement impacté par un chômage de masse endémique. Pour faire simple, la Défense française se rénove, non en fonction de ses besoins objectifs face à une pluralité identifiée de menaces à court, moyen et long terme, mais en raison d'arbitrages subjectifs reposant sur deux piliers principaux : contenter des états-majors qui jouent à fond la compétition en interne pour se voir offrir des joujous dernier cri au détriment de la stratégie globale de défense ; satisfaire actionnaires et industriels en offrant, quoi qu'il en coûte, des débouchés à leur production.

Chacun le sait, il ne peut y avoir de commande au profit de l'armée de Terre sans qu'il y ait un geste de fait à la Royale ou à l'armée de l'Air : chaque état-major prêche pour sa paroisse et rue dans les brancarts dès qu'il s'estime lésé par les arbitrages budgétaires d'investissement. Cela serait respectable si cette jalouse défense de pré carré ne produisait pas des effets pervers, comme la commande de matériels coûteux, inadaptés aux missions mais flatteurs pour l'ego de nos généraux et très lucratifs pour les industries concernées. Ainsi du porte-aéronef Charles de Gaulle, dont la commande et l'emploi n'a aucun sens, dès lors qu'il a vocation à rester unique ! Ainsi du char Leclerc et de notre dernier hélicoptère de combat, merveilles technologiques certes, mais inadaptées à leurs théâtres d'emploi. Ainsi du Rafale, avion conçu pour tout faire, ce qui limite de facto ses performances dans les domaines spécifiques d'emploi - suprématie aérienne, attaque au sol.....

Tous les candidats à la présidentielle s'accordent à passer le budget de la Défense à 2% du PIB. Pour autant, aucun n'a une vision stratégique d'emploi des forces et une volonté de recalibrer armées et industries de Défense pour les adapter aux missions, actuelles et prévisibles, de protection de la nation. Comme pour l'Education Nationale, il y a fort à parier que des milliards d'euros seront gaspillés ces prochaines années sans que l'opérationnalité des forces soient renforcée, voire préservée. Dans un monde de plus en plus instable et hostile, c'est une erreur ; ne pas en débattre, une faute. Et un vrai problème qui osbcurcit notre avenir.   

 

  

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  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
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