Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Il y a comme un problème...
12 mars 2015

Vote obligatoire: une position crétine qui met la République en danger

Sur l'initiative de M. de Rugy, le groupe EELV devrait prochainement déposer une proposition de loi pour rendre le vote obligatoire. 

L'idée n'est pas nouvelle, et à chaque record d'abstentions, notamment pour les élections dites intermédiaires, elle refait surface. Sur le plan des principes, l'obligation de vote a son intérêt, puisqu'elle amènerait tous les citoyens à s'exprimer à chaque scrutin. La démocratie, c'est quand même cela, l'expression de la plus large volonté populaire d'abord, l'expression d'une volonté réellement majoritaire ensuite. En même temps, il n'est pas inutile de réfléchir aux conséquences d'une telle loi, en regard de nos institutions en premier lieu, en regard du climat politique actuel aussi.

M. de Rugy a cet argument absurde selon lequel "le suffrage est universel, et aujourd'hui il est universel pour même pas la moitié des français, donc il y a une inégalité des français devant le suffrage universel". En voilà un raisonnement crétin, comme dirait Michel Onfray. A l'évidence, il n'y a pas que la grippe qui fait des ravages dans nos cités en ce moment, le crétinisme aussi fait une pointe aigüe de fièvre chez les politiciens. Que je sache, il n'y a personne qui empêche qui que ce soit d'aller aux urnes, il n'y a pas de "ghettoisation" des bureaux de vote, il n'y a pas de suffrage censitaire en place, il n'y a aucune exigence de brevet, besoin de diplôme ou nécessité d'autorisation pour mettre un bulletin dans la boite à suffrages.

Non, il n'y a que ce jeu politicien inepte qui nous est servi à longueur d'années par M. de Rugy et tous ses consorts, gauche et droite confondues dans un même élan à dissoudre les enjeux, à liquéfier les solutions, à accoucher de débats insipides, à voter des lois qui ne s'appliqueront pas, à ne pas contrôler le bon usage des fonds publics et à acter toujours dans ce sens du politiquement correct qui dévaste les fondements de notre société à force de "droits à la différence". Par définition, un abstentionniste se rallie de fait à ce que d'autres auront décidé pour lui. Il accepte que d'aucuns choisissent pour lui. On ne peut parler d'inégalité dans ce qui est soit de la passivité, soit de l'indifférence, soit - et c'est finalement le plus préoccupant - du mépris à l'égard des choix proposés.

Non, ce n'est pas le citoyen qui doit être mis devant ses devoirs, M; de Rugy, mais bien le politique qui doit se mettre en face et en phase de ses responsabilités ! N'inversez pas les rôles et ne rejetez pas les fautes sur autrui quand vous devriez assumer pleinement la responsabilité de ce paradoxe français (encore un !) : car voilà un peuple qui adore la politique, qui se passionne pour le débat public et qui depuis une vingtaine d'années en est pourtant venu à s'en détourner petit à petit, "pour cent par pour cent", par lassitude, par écoeurement, par désintérêt.

Prenons simplement l'exemple du groupe EELV dont M. de Rugy est un représentant. Car M. de Rugy est d'abord le représentant de sa petite caste verte, avant d'être un représentant des citoyens-électeurs se réclamant de l'écologie. EELV dispose d'un certain nombre d'élus - merci le marchandage Duflot-Aubry de 2012 - dont certains se verraient bien entrer au gouvernement (M. de Rugy en tête, d'ailleurs), quand les autres sont fermement opposés à cette éventualité ! Alors, notr petit citoyen- électeur motivé, avec son buletin de vote EELV dans les mains, il est censé se prononcer pour quelle ligne politique, dites-moi ?  Celle qui est mécontente de la ligne politico-écolo-sociale du gouvernement Valls ou celle qui, foin de la ligne écolo dure, ambitionne les maroquins ministériels ?! Qui va décider que ce vote-là promeut la ligne Duflot plutôt que celle de Placé ?! Alors s'il n'est pas stupide, ce brave citoyen préférera rester chez lui plutôt que d'être le cocu de l'histoire, comme d'habitude !

Ne pensez-vous pas que nombre de votants "Hollande" en 2012 se sentent les cocus de l'histoire après ces trois premières années dantesques du quinquennat "normal" ?! Saviez-vous par exemple que "moi Hollande président" recevait les élus PS toutes les semaines à l'Elysée, lui qui, dans l'opposition, fustigeait les réunions de majorité de Sarko, lui qui, candidat PS de 2012, s'afficherait "s'il était élu" non comme un "chef d'un parti" à l'Elysée, mais comme " le président de tous les français"?!

Si le personnel politique affichait une offre idéologique ou programmatique claire, s'il mettait effectivement en oeuvre son programme une fois élu, ou à tout le moins s'il conduisait les affaires dans l'esprit de ses promesses électorales, si les stratégies personnelles étaient remisées au placard pour défendre une certaine unité partisane (inutile de prétendre au "bien général", il ne faut pas trop en demander!), alors le citoyen redeviendrait tout naturellement un électeur, sans qu'il soit besoin de le menacer d'une amende !

Mais face à l'indigence de l'offre actuelle, qui peut ignorer que c'est le dégoût qui prédomine dans l'opinion, l'idée que la "caste des élites" est déconnectée des réalités, qu'elle est impuissante à imprimer tout changement, à lancer ces réformes pourtant nécessaires. Désespérement on cherche la vision, on cherche des objectifs sur lesquels il serait possible de s'enthousiasmer, ou à tout le moins de se projeter !

Et ce grand penseur EELV a-t-il réfléchi aux conséquences de cette loi, si elle s'appliquait maintenant ?! Comme il le souligne, le vote blanc est désormais reconnu et comptabilisé comme tel, ce qui n'est que justice. Quelle sera le légitimité d'un élu du suffrage universel obligatoire qui aura recueilli 20% des bulletins exprimés, alors qu'une majorité d'électeurs se sera prononcée pour "Bulletin blanc" ?! Bulletin blanc, cela signifie clairement pour celui qui le dépose dans l'urne qu'aucun candidat, aucun parti ne possède, à ses yeux, le droit et la légitimité pour l'emporter et exercer un mandat en son nom. Avec l'abstention, le doute est permis ; avec le vote obligatoire, c'est non seulement une gifle programmée visant l'ensemble du personnel politique actuel, mais c'est surtout la porte ouverte à la légitime "déligitimation" des élus par la rue, de Gaulle aurait dit à l'instauration d'une nouvelle chienlit ! Quand l'offre politique ne correspond pas à la demande citoyenne et que cette inadéquation emporte une majorité des suffrages exprimés, ce sont les fondements même de la représentation nationale qui vascillent !

Il est des idées fort honorables qu'il vaut mieux présenter après avoir procédé au nécessaire nettoyage des causes qui ont amené à une situation non souhaitable en démocratie participative, le fait pour l'électeur de bouder les urnes.

Que M. de Rugy porte sa contribution pour le bien public à remettre de l'ordre dans sa propre maison-foutoir dans un premier temps, dans le paysage politique dans un second en parlant vrai aux français, en proposant des solutions concrètes pour les citoyens, de celles pouvant être mises en oeuvre dans la vraie vie de leur quotidien et une fois élu, en respectant scrupuleusement les engagements qu'il aura pris. Alors seulement M. de Rugy sera audible et légitime à porter sa proposition de loi.

Mais ne rêvons pas : tout cela n'est qu'artifice pour plaire à Valls afin d'intégrer le prochain gouvernement ! On s'agite pour se placer, pour se distinguer, quitte à dire ou faire n'importe quoi. Le vote rendu obligatoire serait dévastateur par les temps qui courent. Et s'il ne s'en est pas aperçu, je doute qu'il soit un candidat suffisamment avisé pour exercer des fonctions ministérielles. 

 

  

Publicité
Publicité
Commentaires
Il y a comme un problème...
  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Il y a comme un problème...
Archives
Publicité