Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Il y a comme un problème...
1 février 2015

Sauvons le Sénat

Après l'attaque frontale du "capo du 93", accessoirement président de l'Assemblée nationale, contre l'existence même du Sénat, les sondages fleurissent comme pour démontrer un profond désamour entre les citoyens et leur Chambre haute. c'est oublier que ces citoyens avaient préféré le Sénat à leur Général sauveur en 1969 ! Certes les temps changent, les générations aussi, mais un sondage n'est jamais une élection ou un référendum.

Et si cela ne suffisait pas, un reportage à charge était diffusé cette semaine sur une chaîne publique, comme pour signifier qu'en ces temps de restrictions budgétaires, la solution à tous les maux financiers de la France pourrait prendre la forme d'une simple disparition programmée de nos "vieux sénateurs". Entre parenthèses, j'ai toujours considéré que le Sénat était souvent une voie de garage pour un ex-ministre, un ex-député ou un ex-conseiller incapable de se faire élire au scrutin direct, un établissement pour pré-retraités de la sphère politique en quelque sorte ; c'est dire si je ne suis pas a priori un grand fan de du Sénat. Pour autant, la question fondamentale n'est pas là. 

Si les français sont si prompts à déclarer vouloir dégager le Palais du Luxembourg de ses hôtes, c'est certes parce que celui-ci abrite des incongruités salariales qui ramènent aux temps monarchiques, quand les entourages de Cour remplissaient leurs poches de pièces d'or sonnantes et trébuchantes. Mais nos concitoyens devraient alors aller au bout de la logique - quitte à vraiment s'inscrire dans une démarche d'économies budgétaires - en exigeant la suppressions de toutes ces charges et fonctions (huissiers de palais et majordomes particuliers, "petit personnel" costumés comme au XIXe siècle) qui abondent sous les ors de la République, en ses palais et autres châteaux. Un président n'est pas à ce point impotent qu'il ne puisse ouvrir lui-même une porte, si ? 

Les français se sentent d'autant moins liés à leur sénateur que celui-ci leur est souvent inconnu, puisqu'ils ne l'élisent pas directement. Mais connaissent-ils vraiment leur député ou leur conseiller général/régional ?! Il y a sans aucun doute de nombreuses choses à changer dans cette République qui, par son mode de fonctionnement et par ses infrastructures, entretient volontiers un esprit Ancien Régime à l'image de cette Garde républicaine qui fleure bon l'Empire ; et sans doute le Sénat est-il en première ligne sur ce point. Pour autant, vouloir le supprimer serait une profonde erreur de jugement.

En premier lieu, évacuons la question financière : le coût de cette institution n'est pas faramineux, quand bien même il faudrait revoir certaines dépenses à la baisse, à commencer par le nombre de sénateurs lui même. Avec la suppression du Sénat, on parle en réalité d'économies de bout de chandelle, alors que la Chambre Haute est plus que jamais l'un des piliers de la démocratie représentative.

Car c'est bien du fonctionnement démocratique de nos institutions qu'il s'agit sur le fond de ce débat.

Depuis le passage au quinquennat, l'Assemblée nationale s'apparente plus que jamais à une chambre d'enregistrement au profit de la Présidence et du gouvernement. Pour une raison simple : les députés, élus dans le mois suivant le scrutin présidentiel, ne peuvent que former une majorité godillot liée au destin politique de "leur" président. Son bilan sera leur bilan car c'est son élection qui a permis la leur. Car il faut reconnaître une certaine logique aux français : ils votent majoritairement pour le parti présentiel afin de lui donner les moyens d'appliquer ce pour quoi ils l'ont élu. Il serait tout à fait incongru que le peuple votât pour un président de droite - et donc un programme de droite - avant de se choisir majoritairement des parlementaires ancrés à gauche. L'exception culturelle française n'a pas encore franchi ce Rubicon-là, et c'est heureux !

Sans le Sénat - quelle que soit d'ailleurs sa couleur politique par rapport au Président : De Gaulle et Sarkozy ont dû bataillé contre un Sénat de droite, rappelons-le ! - il n'y aurait plus, de facto en France, cette séparation des pouvoirs si chère à Montesquieu et consorts. On le voit bien avec cette présidence Hollande et la petite trentaine de "frondeurs" de sa majorité parlementaire. Le candidat Hollande a été élu sur un programme économique "socialiste dans l'esprit" qu'a naturellement partagé sa majorité parlementaire. Il est peu de dire que le gouvernement Valls tourne désormais le dos à cette vision socialiste pour un virage social-démocrate, voire social-libéral pa rmoments. En toute logique, les tenants du pouvoir législatif par délégation du peuple aurait pu ou dû objecter ; seuls quelques frondeurs essaient de se démarquer, et encore cette opposition interne ne va-t-elle jamais au bout de la logique représentative ! Puisqu'il en est ainsi, il faudrait surtout réfléchir à réduire drastiquement le nombre de sièges de cette chambre d'enregistrement, les députés pouvant certainement faire le même travail à 300 plutôt qu'à 577 ! 

Quelles que soient ses tares, le Sénat, plus ancré dans les territoires, moins sujet à l'immédiateté de la politique spectacle orchestrée par les médias, est plus que jamais une institution nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie, qui plus est à l'heure de cette réforme des régions qui ne va pas manquer de créer des déséquilibres à l'intérieur même de ces nouvelles entités administratives. Que vaudra la voix et l'intérêt d'un rural perdu à plusieurs centaines de kilomètres du Conseil régional à l'heure des grandes métropoles ? Sans une Chambre "territoriale" pour représenter les déserts démographiques, plus rien, sans aucun doute. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Il y a comme un problème...
  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Il y a comme un problème...
Archives
Publicité