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Il y a comme un problème...
8 avril 2013

Sur le chemin de la VIè République

Dans la réflexion générale devant conduire à jeter les bases d'une République nouvelle, plus en adéquation avec les réalités du monde et des puissances qui le dirige, il n'est sans doute pas inutile de s'interroger sur l'idéal démocratique.

La démocratie est, de mon point de vue, fondée sur deux principes : "la parole au peuple" et "la séparation des pouvoirs".

La parole au peuple :

Ce principe sous-tend l'idée que c'est au peuple de s'exprimer le plus souvent possible ; ce devrait être à lui et lui seul de construire et d'entretenir la nation, bien plus que de simplement former l'idée de nation. Pourquoi figer ce qui, par essence, est dynamique ? La sereine administration de toute structure associative ou commerciale commande à la convocation d'une assemblée générale des membres et/ou associés tous les ans. La société France n'a pas cette chance ; bien au contraire, en l'absence d'expression directe régulière, les passages aux urnes "intermédiaires" sont dévoyés de leur substance : les scrutins locaux et européens deviennent autant de sondages grandeur nature pour ou contre l'action présidentielle, pire encore lorsqu'il s'agit d'une question référendaire, fut-elle technique. De fait, "le temps électoral qui compte" est bien plus long, quand il a encore du sens, d'ailleurs. Qu'on en juge en effet : en couplant les deux échéances nationales majeures de la vie démocratique - rendez-vous présidentiel et élections législatives - il n'est pas déraisonnable de penser que l'on prive le peuple de sa libre expression pour élire ses représentants à l'Assemblée nationale. On peut affubler les français de tous les qualificatifs, mais le citoyen électeur n'est pas stupide au point de porter à la présidence le candidat d'un camp pour lui refuser, le mois suivant, une majorité pour l'assister dans son action. La logique conduirait à réunir sur un même bulletin de vote le candidat "présidentiel" et son soutien législatif. Faire des économies de campagne et permettre ainsi l'action gouvernementale dès l'accession au pouvoir du Président auraient plus de sens en ces temps de coupes budgétaires et de doutes sur la légalité des financements des partis politiques. 

Mais un rendez-vous électoral réellement démocratique suppose en préalable que le peuple soit en mesure de savoir ; sans une information correcte, comment saurait-il se décider en conscience parce qu'en toute connaissance de cause ? Or la campagne présidentielle de 2012 a surtout été l'occasion de la plus complète des désinformations, et notamment de la part du vainqueur, avec les conséquences que l'on sait sur le moral des français moins d'un an après le scrutin. Il n'est pas admissible que le syndic du pays, en l'occurrence l'Administration d'Etat, ne soit pas en position de donner aux citoyens les vrais données économiques et statistiques et par là une vision claire de l'état du pays à un instant donné, celui précédant le vote ! Osons la transparence au moins sur les constats !

Certes la France ne saurait être la Suisse ; son découpage administratif - façon millefeuilles pour créer des parcelles de pouvoirs afin de distribuer des prébendes et récompenser le travail militant - et sa démographie notamment rendent plus complexes les procédures d'expression de la démocratie directe. Pour autant rien n'empêche de doter la nation des outils nécessaires à sa meilleure représentation possible, en terme de fidèle représentatitivté d'une part, en terme de fiabilité d'autre part. Il ne saurait être question que le peuple donne les clés de son destin à quiconque ; il sera préférable qu'il les confie seulement. Parmi ces outils, il conviendrait de citer :

- l'obligation d'inscription sur les listes électorales ;

- le vote rendu obligatoire - le vote blanc étant comptabilisé ; 

- le suffrage universel direct pour toutes les élections, selon un mode de scrutin majoritaire ou proportionnel selon les chambres ;

- la possibilité de recours à voie référendaire sur initiative populaire ;

- la possibilité pour les citoyens de présenter un candidat au scrutin présidentiel.

 

La séparation des pouvoirs :

Les philosophes du siècle des Lumières (et ceux qui leur ont succédé depuis) distinguaient trois types de pouvoir dont il fallait préserver l'intégrité : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Ce principe de séparation des pouvoirs est trop théorique pour résister au fonctionnement très "humain" des institutions. De plus, un quatrième pouvoir s'est mis en place, lequel brouille ou interagit à sa guise sur les trois autres sans jamais avoir à rendre des comptes, je veux parler ici du pouvoir médiatique. Ce qu'il me semble important de mettre en place aujourd'hui, c'est moins une énième vraie fausse séparation des pouvoirs qu'une réelle capacité de contrôle des pouvoirs entre eux. Or pour ne citer que lui, le pouvoir médiatique est un système particulièrement opaque qui se joue de tout contrôle, fût-il simplement éthique. Dans une démocratie, le pouvoir délégué par le peuple doit pouvoir être contrôlé, à un moment donné, par la nation ; il est vain et illusoire d'attendre du respect de "l'éthique" ou d'un quelconque "code de l'honneur" la mise en place de garde-fous dans un monde sans vertu dominé, sinon gouverné par l'argent, la cupidité et l'ambition.

L'indépendance de la justice est un vieux serpent de mer qui ressort régulièrement, dès qu'une affaire sensible apparaït ... ou disparaït. Vous me permettrez d'être dubitatif sur la pertinence et l'efficacité des prochaines réformes évoquées récemment car tout le monde semble vouloir occulter un point majeur : le personnel de la Justice appartient au corps des fonctionnaires d'Etat, ce qui, du point de vue tant de la hiérarchie fonctionnelle et opérationnelle que de l'avancement dans la carrière, le place nécessairement sous la tutelle du pouvoir politique. Alors oui, il serait envisagé de rendre certains magistrats, et notamment ceux qui instruisent les dossiers d'enquête, réellement indépendants, hors des pressions éventuelles de la Chancellerie. La République générerait ainsi en son sein un corps de super-fonctionnaires, libres de toute entrave et de toute hiérarchie. Ne devrait-on pas alors se poser la question de savoir qui sera en mesure de superviser l'activité de ces électrons libres ? Et surtout la nation peut-elle laisser certains de ses fonctionnaires hors de tout contrôle ? Cette mesure aurait du sens, en terme de lecture démocratique, si la charge était élective, confiée par les citoyens à des juges choisis, comme c'est le cas aux Etats-Unis d'Amérique ; quant au rempart d'intégrité offert par une procédure collégiale, avec la pluralité des juges décisionnaires, on sait bien que c'est un leurre et que c'est la conviction du magistrat principal qui l'emporte.

Le pouvoir exécutif et son godillot législatif se voient contrôlés ou sanctionnés tous les cinq ans. Entre-temps, ils agissent, investis d'une sorte de blanc-seing démocratique puisqu'il met en place une gestion et des réformes qui ne correspondent pas nécessairement - pour ne pas dire rarement - aux promesses électorales ou au "programme qui engage". Qu'importe la montée des oppositions ou le reniement aux paroles données... Certes, on ne saurait promouvoir une situation d'instabilité permanente où le défilé de quelque lobby motivé ferait que le pouvoir recule ou tombe. Mais il serait bon que le législateur autant que le gouvernement en appellent au peuple en cas de choix clivant ou fondamental. L'exemple Cahuzac, pour ne rebondir que sur l'actualité présente, est la preuve que la représentation nationale n'est pas au-dessus de tout soupçon et qu'elle peut se laisser guider par son seul intérêt, bien loin de celui du bien public. Si la pratique référendaire était moins exceptionnelle dans notre pays, cela rendrait de facto la nation plus mature dans ses votes.

Quant au pouvoir médiatique, la démocratie ne peut se passer des grands médias d'opinion de même qu'elle a intérêt à ces enquêtes destinées à débusquer les fraudes, les mensonges et les trahisons. Mais que voilà un univers opaque, servant des intérêts souvent inconnus, certes de diverses sensibilités, mais se complaisant aussi dans l'effet de masse, les contre-vérités et la manipulation. Les outrances peuvent être condamnées au plan judiciaire, mais le temps de la justice n'est ni celui du "scoop", ni celui des médias. Le mal est fait et quoi qu'il en soit au final de la vérité, il reste toujours un relent de soupçon, le souvenir d'une tâche. Que valent les mea culpa sur l'affaire X quand la presse embraye directement avec la même irresponsabilité parfois sur une baudruche Y ? Qui contrôle les mass médias ? Fut un temps, on pouvait encore croire que c'était le lecteur du journal ou l'abonné du magazine ; nous sommes aujourd'hui dans le visuel et l'Internet. Tout est susceptible de se savoir, mais le vrai et le faux se colportent de la même façon, suivant désormais les mêmes canaux. Le journalisme d'investigation, prudent, fouillé, étayé ne saurait se sauver du bruit des caisses de résonnance du scoop et de l'instantanéité, servant une cause pour les uns, otages des budgets des annonceurs pour les autres. Quand il devient impossible d'identifier qui roule pour qui, la démocratie est en danger.

On le constate ici, c'est moins les outils qui importent à la base que l'esprit qui doit les guider. C'est l'idéal démocratique qui doit se réinventer en premier lieu, pour tenir compte du fonctionnement d'une société contemporaine qui est trop éloignée des idéaux ayant conduit à la Révolution de 1789 et pour prévenir des mutliples perversions que celui-ci engendre.

 

 

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  • Un regard décalé sur l'information du moment, des analyses originales sur les sujets d'actualité, un point de vue dérangeant qui pose de vraies questions sur notre société et son mode de fonctionnement.
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