L'exécutif est-il encore crédible ?

Depuis quelques mois, les français se sont mis à douter de la capacité de ce gouvernement à trouver des solutions, sinon rapides, du moins lisibles, à la sortie de la crise ou à une certaine stabilisation de la spirale dépressive infligée au pays. Ils doutaient sur le fond de la politique engagée ; ils doutaient surtout de la méthode suivie, trop éberlués à être les spectateurs de couacs à répétition, trop habitués à entendre des propos tenant plus de M. Coué, voire du discours de campagne électorale, que de la parole de décideurs en charge des commandes du navire. Avec les remous provoqués par l'affaire Cahuzac, les citoyens de ce pays sont aujourd'hui fondés à douter de la valeur, ou devrais-je dire des valeurs des femmes et des hommes composant ce pouvoir exécutif.   Si le mal est profond, c'est bien sûr parce que cette histoire renvoie à d'autres affaires, à d'autres comportements, à d'autres faits divers politiques (droite et gauche confondues), du genre qui conforte, au comptoir des cafés, le sentiment du "tous pourris" et la conviction d'un pouvoir politique aux mains d'une maffia d'oligarques affairistes, peu soucieux à gérer correctement le bien public, mais très compétents à faire fructifier leur pactole personnel. Mais si le mal est si profond, c'est que, de tous temps, le parti socialiste et ses leaders se sont évertués à nous vendre une probité, une moralité, une vertu universelle au dessus de tout soupçon. Alors forcément, le retour de bâton est d'autant plus violent et la crédibilité d'autant plus entachée. La faute est toujours doublée pour le donneur de leçons pris la main dans le sac.

Dans ces conditions, je vois mal comment l'exécutif, décrédibilisé collectivement dans la présente configuration - c'est sans doute injuste, mais c'est comme ça - pourrait retrouver quelque valeur, sinon quelque vertu aux yeux de la population. Par quel miracle pourrait-il restaurer une image largement écornée en à peine onze mois de pouvoir et rebondir suffisamment dans l'opinion publique pour traverser sans encombre les longs mois qui nous séparent de cette fin d'année, premier marqueur fixé par François Hollande pour faire évaluer les résultats de sa politique ? Avec l'affaire Cahuzac, c'est maintenant qu'il aurait besoin de voir poindre une embellie dans ce ciel si sombre sur la France. Quelle crédibilité et quelle longévité pour un exécutif autant affaibli alors que les dossiers importants doivent être traités ?

Cette absence de crédibilité se retrouve d'ailleurs dans ce rendez-vous incroyable donné par François Hollande à la France. Certes, il arrivera bien qu'à un moment donné, la courbe du chômage se stabilise, par effet structurel plus que par la conséquence d'une "politique pour l'emploi" d'ailleurs. En effet, de la même façon qu'il y a un seuil dit de "plein emploi" autour de 3% de chômage, il y a un seuil "haut" pour le non-emploi dans un pays post-industriel. Et c'est là le pari de François Hollande, plus que le retour d'une croissance suffisante à créer des emplois. Mais on n'est pas au champs de course ! Et surtout qu'adviendra-t-il si le pari n'est pas tenu ? Est-il crédible que le président Hollande se démette alors de ses fonctions pour manquement à la parole donnée ? Naturellement que non ! Si la communication n'est pas crédible, c'est simplement que l'homme n'est pas fiable.

Que vaut la parole d'un homme qui de facto se met lui même en position de ne pas la tenir, le cas échéant ? Que valent ses actes quand il est perçu dans l'affaire Cahuzac soit comme complice par voie de fait ou par omission, soit comme terriblement ignorant des choses qui l'entourent ?

L'aveu d'ignorance du couple de l'exécutif serait-il crédible qu'il n'en serait que plus terrible !! Il n'est pas acceptable de ne pas savoir ou de ne pas chercher à savoir quand on est à la tête d'une entreprise, encore plus à celle d'un Etat ! Car ce "je ne savais pas" résonne alors comme un "je ne voulais surtout pas savoir". François Hollande et son clone Ayrault ne veulent pas savoir ; ils ne veulent rien savoir, juste évoluer dans cet imaginaire qu'ils se sont créés, bien loin des réalités du pays et des préoccupations citoyennes. "C'est la posture d'un Ancien régime sur le point de perdre la tête", pourrait témoigner Louis le 16ème ! Et l'on se rappelle alors le leurre bâti par la campagne socialiste de 2012, dans laquelle, "la crise, c'est Sarkozy", "il n'y a pas de crise, juste une politique de droite qui entretient la crise" "Moi, président je vais casser la baraque car je suis prêt à gouverner dès demain" etc.. Avant-hier, le candidat Hollande ne voulait pas voir la crise en face ; hier, à le lire entre les lignes, il n'a pas voulu savoir si le dossier Médiapart était ou non solide, au point qu'il n'a pas pensé à protéger "non sa personne, mais l'Etat", comme il aime à le dire souvent pour jouer de humilité contre le fantôme Sarkozy. Hollande ne sait jamais ce qu'il est important de connaître ! Mais aujourd'hui il faudrait le croire quand il dit savoir faire avec la crise ?! Mais aujourd'hui il saurait qui, au sein de son équipe gouvernementale, est une branche pourrie et qui ne l'est pas ?! C'est à ce point si peu crédible que c'en devient presque ridicule.

L'exécutif sans changement n'est pas en état de redorer son blason et restaurer une crédibilité définitivement perdue. Quelle que soit le degré de vérité des discours présents et à venir, la parole n'est plus acceptée par l'opinion publique. En l'absence de perspectives économiques positives au second et troisième trimestres, le gouvernement n'a aucun échappatoire pour éviter le courroux de la rue. Dans le gros temps politique, du temps où il était à la tête du PS, François Hollande nous a habitué à faire le gros dos ; pourtant je ne vois pas comment il pourrait survivre politiquement en restant, dans ce naufrage, solidaire de son Premier ministre, à l'autorité dépassée et au charisme d'une huître.