En route vers la 6ème République

En route vers la 6ème République... Drôle de titre me direz-vous.. Et pourtant.

C'est une sorte de clin d'oeil ironique de l'Histoire de constater a posteriori que le fossoyeur de la "République du Général" aura finalement été celui qui se voulait incarner son héritage, Jacques Chirac. L'opposant de toujours, le pourfendeur du "coup d'Etat permanent", François Mitterrand, s'était pourtant glissé avec délice et contentement dans le "costume taillé par et pour Charles de Gaulle". Et c'est donc le patron du RPR qui s'est chargé de liquider l'héritage historique. Car la 5ème République est morte avec l'adoption de la réforme du quinquennat. Le style Chirac, sorte de sous-présidence fuyante de 2002 à 2007, avait pu en différer le constat ; la volubile et trépidante sur-activité de Sarkozy avait su en masquer le fait, mis sur le compte d'une personnalité hors normes ; mais ce "retour à la normalité", affiché par son successeur, nous met face à l'évidence : avec le quinquennat, la logique de bicéphalité du pouvoir exécutif a fait long feu et nos institutions ont besoin d'un vrai changement, qu'un énième ravalement de façade constitutionnelle ne saurait apporter. La France est en route vers la 6ème République, et plus tôt le processus sera engagé, et mieux cela sera.

Alors l'affaire Cahuzac servira-t-elle de déclencheur ? Le mensonge en conscience d'un ministre-clé du gouvernement, pilier technique d'un parti politique depuis une vingtaine d'années, suffira-t-il à prendre la mesure de l'inadéquation entre nos institutions, le monde politique et la société ? Comment cette suspicion légitime sur "qui savait quoi et à partir de quand" ne pourrait-elle pas alimenter une profonde crise de régime ? Cette affaire intervient dans une nation en crise, bousculée et anxieuse ; elle affiche, dans la lumière la plus crue, une réalité selon laquelle cette République de Liberté, d'Egalité et de Fraternité" est menée par une oligarchie qui s'estime et se vit au-dessus des lois qu'elle adopte non plus "pour" mais "contre" les autres. Quoi de plus terrible en effet, pour l'opinion publique, que cette image d'un ministre du Budget, pérorant derrière un pupitre sur le sujet de la lutte contre la fraude fiscale, alors qu'il en est lui-même un protagoniste !? Mais il ne s'agit là que de la goutte d'eau qui, peut-être, fera déborder le vase... de Soisson, car cette République-là est bien cabossée de partout. Aucun, de la droite à la gauche et au centre, n'est en droit ou en position de donner de leçons aux autres ! Loin des procès d'intention envers tel ou tel, il y a une responsabilité collective du personnel politique à cette longue et désastreuse dérive : il y a ceux, un petit nombre, qui faisaient et il y a ceux, la grande majorité, qui, le sachant, se taisaient.

Si les français ont souvent passé l'éponge pour les affaires liées au financement des partis, s'ils se sont montrés indulgents aux frasques des uns et des autres, c'est bien parce qu'ils avaient compris que "primus inter pares", ils ne pouvaient exiger de leurs représentants des vertus exceptionnelles. Mais l'accumulation des défaillances et autres manquements personnels aboutissent aujourd'hui à l'idée que c'est moins la qualité des hommes que l'organisation et le fonctionnement du système qui constituent la clé du problème. Et pour que les institutions recollent aux vertus - ou à l'absence de vertu - de notre société moderne, il convient d'ériger de vrais garde-fous. François Hollande en avait fait son sloggan de campagne, il doit aujourd'hui assumer la tâche qui lui incombe de le mettre en musique : la France a besoin d'un vrai changement, maintenant !

Ne demandons pas l'impossible à celles et ceux qui côtoient au quotidien les tentations les plus diverses du fait des charges publiques qui leur incombent. Aidons-les au contraire à être meilleurs que nous le sommes nous même, et ainsi à être plus efficaces pour le bien de tous ! Aidons-les à doter la nation et la France d'une République moderne, plus équitable et plus citoyenne ! Il ne suffit pas d'être les spectateurs affligés de psychodrames à répétition ! Il ne suffit pas d'être les commentateurs, avisés ou partiaux, du présent gâchis ! Il faut se lever pour être, chacun, un moteur de ce changement rendu inéluctable ! 

A suivre... des pistes concrètes pour une 6ème République sereine...