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Il y a comme un problème...
12 août 2012

Sécurité routière - 1ère partie

Il est des sujets d'actualité qui reviennent sur le devant de la scène médiatique avec la régularité d'un coucou suisse. La rentrée scolaire fin août/début septembre, Noël et ses préparatifs autant gastronomiques que festifs, les régimes minceur et les destinations touristiques incontournables à l'amorce de l'été, les épreuves du Bac... C'est un fil rouge qui ponctue notre année citoyenne, comme les saisons - quand elles étaient clairment identifiables - le faisaient jadis pour le monde rural.

D'autres sujets reviennent sur le tapis avec une fréquence qui est fonction des circonstances, plus particulièrement l'été venu : il suffit de deux ou trois feux de forêt successifs spectaculaires, de quelques accidents concomittants en montagne ou sur les plages, deux noyades d'enfants  coup sur coup en piscine pour que le monde des médias, en panne de sujets choc, s'empare d'un fait divers pour focaliser l'attention du bon peuple sur ce qui est largement ignoré le reste de l'année. Mais il est un sujet qui est susceptible de faire la une tous les mois, celui des statistiques de la Sécurité routière. Si les chiffres sont "bons", cela fait deux lignes ; s'ils sont "mauvais", on nous abreuve des mêmes images, des mêmes interviews, des mêmes poncifs qui enfoncent toujours les mêmes portes ouvertes. Et pour peu que l'on trouve un sujet d'actualité bien "saignant" pour illustrer ces chiffres, on rallume, mais sans réel débat de fond, l'éternelle discussion de la prévention et de la sanction. Le sujet est certes d'importance, pour preuve il s'agit d'une "grande cause nationale prioritaire" depuis plus d'une décennie. Les gouvernements se succèdent, les chiffrent baissent, stagnent puis remontent avant de rebaisser ; chacun y va de sa solution, tout le monde a son idée sur le sujet. Mais, au final, le plus important, la constante éternelle, c'est que les mesures prises par l'Etat doivent d'abord remplir les caisses publiques, car l'argent collecté par la "sécurité routière" n'est pas redistribué en direct à la "protection routière".

Derrière la volonté affichée de leur faire adopter des comportements plus responsables, voire vertueux, l'Etat n'a de cesse de vouloir prendre les automobilistes pour des vaches à lait, au même titre que les joueurs du PMU ou de la Française des Jeux, les fumeurs ou les piliers de bar (en extérieur ou à domicile). Cela décribidilise nécessairement la démarche "pédagogique" et fait de la route le nouveau monde du "gendarme et du voleur" de notre enfance.

Ces statistiques font sensation et relancent éternellement la question prévention/répression. Or je n'ai jamais su - et cela ne figure pas à ma connaissance dans les compte-rendus statistiques - si la victimologie (morts et blessés) décompte les seuls "résidents" français ou englobe toutes les victimes enregistrées sur l'ensemble du réseau routier national. Quelle différence me direz-vous ? Il nous faut lutter contre l'insécurité routière. Oui, sûrement ; oui certainement ; oui absolument. Trois oui pour qu'aucun de vous, mes chers lecteurs, puissiez avancer l'idée saugrenue que je milite pour les fous du volant, alcoolisés de surcroît (sourire). Sachez que je respecte les limitations de vitesse et que j'adopte le même régime sec que les pilotes d'avion, ceci dit tout à fait entre nous.

Alors quelle différence ? Hé bien ces statistiques sont généralement mises en parallèle avec les chiffres de nos voisins ou ils mettent en exergue des comparatifs à mois équivalent ou au mois précédent. Or, nous nageons là en pleine mystification. Car la France n'est pas la Grande-Bretagne, ni même l'Allemagne. Le réseau national français est largement utilisé par des étrangers venus de toute l'Europe, quand ce n'est pas du monde entier : professionnels du transport international, touristes en goguette ou voyageurs en simple transit Nord Sud vers l'Espagne et l'Italie l'été, le Maghreb toute l'année. Cette situation est unique en Europe, rappelons-nous que la France est dans le top 5 des destinations mondiales, avec le surcroît de trafic routier ou de locations de véhicules que cela génère forcément. Dès lors, rapporter le nombre de victimes au nombre d'habitants, au nombre de véhicules enregistrés en France ou de permis de conduire français pour établir des comparaisons européennes est tout simplement fallacieux.

Quand un bus polonais ou hollandais se vautre tout seul sur l'autoroute en faisant une quinzaine de victimes, la mauvaise statistique est pour la France et  pas pour la Pologne ou les Pays Bas. Oui, "ça s'est passé près de chez nous, mais c'était pas nous", pourrait-on donc objecter. Mais c'est pourtant l'arsenal des punitions franco-françaises que l'on va durcir. Si l'on veut faire dire des choses vraies aux statistiques, il faut d'abord enregistrer si les victimes sont résidentes ou non. Oui, l'accident s'est produit sur le réseau français, mais quand la responsabilité de l'accident incombe à un non-résident, en quoi ces chiffres sont représentatifs du comportement des résidents "français" ; et surtout  en quoi les mesures franco-françaises prises sous le coup de l'émotion auront un sens ?

On peut convenir qu'il y a toujours trop de ... trop d'accidents, trop de morts, trop de blessés, trop de personnes impactées moralement ou physiquement par ces faits de vie ; et l'on peut convenir du fait que c'est de la responsabilité de la société, et donc de l'Etat, de faire en sorte que cette victimologie baisse. Mais de même qu'utiliser un fer à friser, une perceuse ou une tronçonneuse fait peser un risque "domestique", la conduite d'une automobile est par définition accidentogène. Le risque 0 n'existe pas et cette logique du "record à la baisse" doit tenir compte des éléments objectifs d'un réseau routier de plus en plus utilisé. Sinon ce n'est qu'un prétexte, un alibi pour cacher le fait que la politique de la sécurité routière n'est faite que pour taper dans le portefeuille des citoyens.

Moins de 4.000 morts par an aujourd'hui en France sur le réseau routier national, l'Etat est sur le pont. 12.000 morts par suicide (et au moins cinq fois plus de tentatives), et pourtant l'Etat est absent. Cherchez l'erreur.

 

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