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Il y a comme un problème...
4 juin 2012

Président de la République, un métier très différent

Quand vous êtes un acteur politique, membre influent de parti, élu local, régional ou national, vous êtes le maillon d'une chaîne et votre première ambition - au delà des grands mots et de la soupe grandiloquente servie pour les électeurs et les médias ("intérêt général", "service de ses concitoyens", "défense des valeurs" etc..) - est de vous construire une carrière "en interne". C'est normal, logique et même  légitime. Car cela n'empêche en rien d'essayer de donner du sens à ces grands mots justement, surtout que l'engagement en politique nécessite tant d'énergie, de temps donné aux autres et d'argent personnel investi que l'homme politique est au départ de sa vocation, nécessairement porté par un certain idéal altruiste. Que cet idéal soit ensuite plus ou moins perverti par le système, au même titre que tout ce qu'entreprend l'être humain de manière générale, cela est un autre débat.

Quand vous devenez le leader d'un mouvement politique, suffisamment influent et puissant pour prétendre à gouverner, vous travaillez à bâtir votre histoire. Et d'aucuns, mauvaises langues sans doute (lol), diront quelquefois votre " pure légende", à l'instar d'un François Mitterrand simulant un attentat sur sa personne pour essayer de se hisser au niveau du général de Gaulle. Et quand vous arrivez enfin à jouer un vrai rôle de premier plan dans les affaires publiques, en tant que ministre ou premier ministre, vous contribuez à faire l'Histoire.

Mais quand vous devenez le président de la République, là c'est tout à fait différent : vous devenez l'Histoire. Aussi il n'y a rien de surprenant à voir les changements physiques et psychologiques qui s'opèrent très vite après la prise de fonction de ces personnalités qui, du jour au lendemain, avec plus ou moins de préparation, passent d'un statut d'acteur politique à celui d'incarnation du pouvoir suprême. Ce fameux "costume présidentiel", si "lourd" à porter et sans doute mal taillé au départ pour certains, a la faculté de transformer l'homme politique en l'homme d'un Etat. Il est trop tôt pour dire si François Hollande saura ou non passer la barrière entre ces deux mondes ; il faut le souhaiter, pour la réussite de la France et pour la construction européenne. Car ne sont pas les participations aux sommets internationaux ou les postures affichées devant les médias français et étrangers qui peuvent vous donner ce calibre si particulier, mais bien votre propre regard vis-à-vis de vos responsabilités envers l'Histoire, celle du passé comme celle qui se construit aujourd'hui pour demain et les années futures. Ce "poids du costume", c'est en fait la chape de l'Histoire qui s'abat sur vos épaules. Président de la République, vous ne faites pas l'Histoire, vous êtes l'Histoire. Nicolas Sarkozy l'a prévenu lors du débat télévisé de l'entre-deux tours : être président, ce n'est pas être un homme normal. Cela ne veut pas dire que le chef de l'Etat ne peut pas exercer sa fonction avec humilité et modestie. Mais ce rendez-vous face à l'Histoire, face aux responsabilités immenses qui vous incombent et souvent vous dépassent, quelles que soient vos qualités par ailleurs, ne peut se contenter d'une normalité, du moins pas en France, pas dans ce pays aux institutions d'inspiration jacobine après avoir été Empire et monarchie absolue. Il y a en France une sacralité du chef de l'exécutif qui n'existe pas dans les autres pays européens, ni même aux Etats-Unis, alors même que le président américain est censé être l'homme le plus puissant de la planète. Sans doute une conséquence de cette arrogance toute française, et de cette responsabilité que nous nous sommes inventés pour partie en tant que "nation des Droits de l'Homme et du Citoyen".

C'est ce caractère si spécial afférant aux hôtes de l'Elysée qui conduit la sphère médiatique à épier et analyser les moindres faits et gestes du président sortant. Un peu comme si la France ne pouvait vivre avec deux chefs d'Etat - le nouveau et l'ancien - partageant le même sol. Quoi qu'il fasse et surtout quoi qu'il ne fasse pas (un comble !), voilà Nicolas Sarkozy, à peine de retour de trois semaines de vacances familiales au Maroc, qui se retrouve l'objet de toutes les rumeurs lancées par la presse elle-même. De la même façon que le PS pleure la perte de son meilleur ennemi (Cf post précédent), il semble bien que les médias soient comme orphelins de ce président hyper-dynamique qui boostait leurs audiences. 

J'y vois deux raisons : en ces temps difficiles pour l'euro et donc pour l'Europe, personne n'est vraiment sûr que François Hollande adoptera la bonne stratégie face au partenaire allemand ou qu'il fera, le moment venu, les bons choix en optant pour un réalisme pragmatique au lieu d'un idéalisme dogmatique. Aussi, même s'il s'en défend, Nicolas Sarkozy est le seul à incarner un recours crédible en cas de crise majeure, laquelle est pronostiquée par George Soros, un spéculateur qui, pour avoir mis la livre sterling au plus bas en 1992, sait de quoi il parle.

La seconde raison est que la droite se cherche, de la même façon que le PS et la gauche se sont cherchés en 2002. L'omni-présence de Sarkozy durant la dernière décennie a empêché l'émergence d'un leader du renouveau. En l'absence de dauphin désigné, Sarkozy manque cruellement à l'UMP et à la droite après avoir incarné l'un et l'autre aussi fort et aussi longtemps. Jusqu'à l'automne et peut-être après encore, Sarkozy va incarner la seule image crédible de la droite républicaine émancipée.

Voilà pourquoi nous n'avons pas fini d'entendre parler du "retraité" Nicolas Sarkozy dans les jours et mois à venir, quand bien même il ne fait rien pour "revenir" en politique. Voilà pourquoi François Hollande doit à tous prix convaincre les français, les européens et les grands leaders du monde qu'il a pris la mesure du costume France et de toutes les responsabilités qui lui incombent au regard de l'Histoire. Voilà pourquoi nous serons attentifs au moindre signe nous permettant de croire que la France et l'Union européenne ne vont pas se fracasser sur les récifs de la finance internationale, alors que le centre de gravité du monde est désormais clairement en Asie-Pacifique.       

     

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