Second tour pour Marine et Jean-Luc

Pour exister en politique il faut se choisir une "cible", un "ennemi", une "bête noire". En vieux routard du microcosme, Jean-Luc Mélenchon avait compris tout l'intérêt qu'il aurait dans cette campagne présidentielle 2012 à se positionner sur un combat frontal, une sorte de duel personnel au milieu d'une compétition qu'il savait perdue d'avance. En élaborant sa stratégie pour capter à son profit la gauche de la gauche à l'été 2011, le camarade Mélenchon savait aussi qu'il serait inutile, voire contre-productif, de partir bille en tête contre le candidat socialiste, quel qu'il soit à l'issue des primaires. Aussi, cela ne tient en rien au hasard si le mouvement, lancé par Jean-Luc Mélenchon pour réunir son micro-parti et un parti communiste moribond en vue du scrutin d'avril 2012, s'est choisi comme nom "Front de gauche" : son duel pour exister, c'est contre Marine Le Pen que Jean-Luc l'a scénarisé.  En cela, il n'a fait que reprendre la recette utlisée par un autre trublion du paysage politique français, la sulfureuse comète Bernard Tapie, qui, au temps de son passage au Parti Radical (de Gauche), avait lancé une croisade anti-Jean-Marie Le Pen. Deux époques, deux trajectoires personnelles, deux excellents tribuns pour un combat similaire : se construire un destin politique dans l'opposition sans concession au Front National.

C'est donc sans surprise que l'on a récemment appris le parachutage de l'ami Jean-Luc sur la circonscription d'attache de Marine pour le scrutin législatif à venir. C'est encore grâce à la candidate du FN que Mélenchon va pouvoir faire parler de lui, non au plan local, mais avec le bénéfice d'une caisse de résonnance nationale. En son temps, ce fut aussi le choix de Bernard Tapie d'aller affronter Le Pen-père en région PACA, sauf que l'homme d'affaires avaient de vraies attaches sur la Canebière, avec son lien affectif et pécuniaire avec le club de football de l'Olympique de Marseille. Rien ne rattache Hénin Beaumont à JLM, Marine exceptée. 

En fait, Jean-Luc n'avait pas vraiment le choix : dès le 22 avril, et plus encore au soir du 6 mai, il se devait de trouver un moyen de rebondir pour ne pas subir une "Bayrou-isation" façon 2007, autrement dit une mise au placard pour cinq ans. Or, comment pouvait-il continuer à exister après un tel parcours présidentiel, réussi au plan médiatique (notamment grâce aux boosters radio-télévisés de décembre 2011 / janvier 2012 déjà évoqués dans d'autres posts) , mais largement moins concluant au niveau des urnes ?       Ce n'est pas un secret : le résultat du Front de gauche a été une vraie déception pour JLM, compte tenu des sondages très flatteurs des semaines précédant le scrutin. Lui qui, sur la foi des enquêtes d'opinion, espéraient non seulement accrocher le FN, mais aussi, à un moment donné, "le candidat de la gauche molle", se retrouvait finalement largement distancé. Pour repartir après un tel échec moral, il faut une dynamique : c'est la haine du FN.

Comment continuer à exister au plan national, quand c'est le candidat de son bord politique qui l'a emporté et que la plus grande incertitude plane sur le positionnement de son allié communiste quant à sa participation au futur gouvernement Hollande-Ayrault ? La stratégie initiale de Mélenchon s'inscrivait dans la durée, avec l'idée d'incarner un recours à la (désillusion de la) gauche à l'horizon 2017. Si le Front de gauche se dissout sous les ors de la République, comment JLM pourrait-il se distinguer, lui qui serait alors ni dans l'action gouvernementale, ni dans l'opposition, dans la mesure où son soutien actif à l'élection de François Hollande limite de facto ses possibilités de critique de l'action présidentielle pour les très longs mois à venir ?

Heureusement, Jean-Luc a de nouveau l'occasion de reformer ce couple politique improbable hors duquel il serait redevenu un quasi anonyme dans la foule des prétendants à l'Assemblée nationale. Car c'est bien un aveu de faiblesse de voir ici l'ex-candidat du Front de gauche revenir par la fenêtre pour disputer un second duel avec Marine Le Pen. La posture officielle de la croisade anti-racisme / anti-fascisme n'est que pure poudre aux yeux. Mais qu'importe : durant ces prochaines semaines, une fois encore, les caméras et les micros n'auront d'yeux et d'oreilles que pour le (sympathique ?) tribun de la gauche extrême, hérault auto-proclamé du combat anti-FN. C'est le but recherché, le seul. Car ce n'est pas le sieur JLM qui privera dame Marine d'un siège éventuel au palais Bourbon, mais le seul choix souverain des électeurs de cette circonscription de Hénin Beaumont sur laquelle les projecteurs de l'actualité seront braqués jusqu'au 17 juin. Or, avec le spectacle affligeant d'une gauche largement compromise dans des malversations quasi séculaires, il n'est pas certain que ces derniers, trahis et laissés pour compte par le "système", ne préfèrent pas accorder leur confiance à la présidente du Rassemblement Bleu Marine.

Le second round Mélenchon / Le Pen vient de commencer. Pour de mauvaises raisons, et ça c'est un problème....        

Comments

[JOJODUCHATO]

Vous oubliez, semble t-il un élément très important dans votre analyse qui n'est pas complètement fausse: Le FRONT DE GAUCHE est un collectif constitué de divers partis et "assos" rassemblant toutes les sensibilités de la gauche, de l'extrême au PS en passant par les "Écolos" .C'est en soi un tour de force que d'avoir réussit à fédérer tout ce monde. La dedans il y a des individualités comme partout mais elles n'ont que peut d'importance en regard du collectif.

Cela dit, de mettre à jour la dangerosité, la duplicité et la démagogie du FN me parait une tache essentielle par les temps qui courent.