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Il y a comme un problème...
11 mai 2012

Croissance, la réalité des chiffres et la réalité politicienne

La "science" économique vient une nouvelle fois de montrer ses limites, pour ne pas dire qu'elle révèle régulièrement ses contradictions, ce qui discrédite le caractère purement scientifique duquel cette matière aime à se parer. Si les outils utilisés par les sciences économiques ont bien dune rigueur toute "mathématique", les philosphies économiques, elles, font toujours l'objet de vastes débats entre les différentes chapelles universitaires et, de fait, les schémas prédictifs des unes et des autres s'accordent rarement.

Ainsi les prévisions de croissance de la Commission européenne, rendues publiques aujourd'hui, tablent, pour la France, sur une hausse de 0.5% pour 2012 et 1.3% pour 2013. Pour les économistes de l'OCDE, ces mêmes prévisions font respectivement état d'une hausse de 0.3% et de 1.5%. Le FMI, présidé par notre ex-ministre de l'Economie, Mme Lagarde, établit cette croissance à 0.2% pour 2012 et 1.5% en 2013, tandis que le gouvernement Fillon l'estimait encore récemment à 0.7% (révision à la hausse de 0.2% du chiffre initial de 0.5%) et 1.75% (révision à la baisse par rapport aux 2% originels). On se bornera à remarquer que, selon qu'ils sont français ou étrangers, les services sous la supervision de Mme Lagarde adoptent des vues bien différentes : que faut-il en déduire, Mme la présidente du FMI ?

A ces chiffres institutionnels s'ajoutent ceux du candidat-devenu-président Hollande, lequel fonde sa politique économique sur ses propres anticipations, à savoir pour cette année une croissance de 0.5% et, pour l'an prochain, un décollage à 1.7%, dans la lignée des projections de François Fillon. Force est de constater que les services de l'Etat et ceux du parti socialiste ont manifestement travaillé à partir des mêmes données économiques et budgétaires, ce qui semble logique puisque le conseiller économique pour le programme Hollande n'était autre que Jérôme Cahuzac, président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale. Autant dire que pour cette fois et par la seule volonté d'ouverture du président Sarkozy en 2007, la nouvelle majorité d'alternance ne peut se réfugier derrière les traditionnels "on ne savait rien de l'état réel de la France" et autre "on est effaré de découvrir une situation catastrophique qui va nous obliger à réviser nos prévisions et donc revenir sur nos engagements électoraux".

Et pour autant, voilà le président élu qui s'empresse de tirer la couverture du "bilan Sarkozy" en dénonçant une "dégradation des comptes publics" plus grande que celle présentée par l'ancien gouvernement. Il faut dire que la Commission européenne a aussi pronostiqué un déficit public à hauteur de 4.2% en 2013, très loin du vertueux 3% du candidat socialiste. La différence des prévisions, c'est que la Commission a basé son raisonnement sur des chiffres quand le François Hollande-de-la-campagne les utilisaient pour faire la propagande de son programme budgétivore. En recourant à des embauches conséquentes dans la fonction publique, en laissant accroire un retour du "service public partout et pour tout" ou en se positionnant sur une politique de croissance par l'accroissement du pouvoir d'achat (ce qui inclut le traitement des fonctionnaires), le programme du PS n'est pas conçu pour résorber les déficits publics tels qu'annoncé par ailleurs. De la même façon, ses chiffres de croissance à l'horizon 2015/2017 sont très optimistes car ils avaient pour seule vocation de compenser mécaniquement, par des recettes artificielles, cette hausse "inéluctable" des dépenses publiques dans le but de présenter un budget "équilibré" qui soit compatible avec les engagements européens de la France. La "crédibilité du candidat" passait donc nécessairement par un programme économique non crédible par rapport à une situation pourtant connue de lui. 

En réalité,   il ne faudra pas longtemps à François Hollande à la fois pour rogner largement sur ses généreux engagements de campagne électorale et pour  augmenter la pression fiscale (sur les "riches" ? Sur les entreprises  ? Sur les ménages aisés ?).  Mais il ne "reniera pas sa parole" donnée aux Français, il ne fera que "devoir s'adapter " à une situation qui n'était "malheureusement pas connue" de lui ; en d'autres termes, il se défaussera sur le bilan Sarkozy qui lui a laissé "les caisses vides". Comme il s'est défaussé sur ce bilan durant la campagne pour ne pas répondre aux incohérences de ses montages budgétaires. Sauf que Jérôme Cahuzac savait tout ce qu'il y a à savoir. Sauf que François Hollande savait pertinemment les réalités et les contraintes de la conjoncture. 

Et si les entrevues politiques programmées avec Angela Merkel et les instances européennes ne lui donnent pas entière satisfaction, le président Hollande ne sera pas le dernier à fustiger l'intransigeance des uns, le manque de coopération des autres , toutes circonstances contraires à sa "politique de relance intérieure". S'il doit infléchir sa politique pour se conformer aux réalités et exigences européennes qui existaient longtemps avant son élection, ce ne sera donc pas à cause d'une inadéquation fondamentale entre son programme de campagne et la réalité objective de la situation de crise, et l'honneur des socialistes sera sauf devant l'électorat. Et qu'importe si Nicolas Sarkozy avait clairement prévenu les citoyens français.

 Sur la politique intérieure, le bouclier anti-critique du président Hollande s'appelle "bilan Sarkozy" ; au plan européen, il répondra au nom de "rectitude Merkel". Et si l'OTAN et les Etats Unis insistent pour que la France n'entame pas un repli désordonné du conflit afghan, en évacuant ses soldats tout en laissant tout le matériel à la garde des autres contingents, le bouclier se nommera "Obama". Sarkozy pointait du doigt les déviants ; Hollande donne l'impression, alors même qu'il n'est pas encore investi, de rechercher des responsables qui le protégeront de ses reniements ou de ses échecs à venir. C'est vrai, le changement est en route...

 

   

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