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Il y a comme un problème...
4 mai 2012

Le paradoxe Bayrou

Illustrant une fois de plus l'inconsistance d'un certain centrisme à la française, François Bayrou a donc choisi sans choisir. Sans doute sous le coup de l'énervement envers un système bipartisan qui l'a marginalisé pendant la campagne et encore sous l'amère déception de ne pas avoir été suffisamment suivi par l'électorat, le candidat du Modem avait déclaré, au sortir du premier tour, qu'il prendrait ses responsabilités. Mais contrairement à cette déclaration à chaud, il a finalement opté pour un non-choix politique, en ne communiquant qu'un choix personnel. Une fois encore, force est de constater que François Bayrou vient de se dérober devant l'obstacle, une posture qu'il dénonçait pourtant régulièrement chez ses concurrents du premier tour. Ceci n'est pas responsable et devrait conduire à terme à la fin politique du béarnais. Depuis une dizaine de jours, chacun avait pu noter qu'il était incapable d'imposer une quelconque discipline dans ses propres rangs, nombre de personnalités du Modem ayant déjà pris position avant même d'attendre le positionnement officiel de leur leader. Depuis hier, on sait par ce "choix-non choix" que M. Bayrou est une personnalité vraiment paradoxale, capable à la fois de faire les bonnes analyses et de prendre des décisions, somme toute, irréfléchies. 

Renvoyé en cinquième place lors du scrutin du 22 avril, François Bayrou a vite compris que, pour continuer d'exister dans l'entre-deux tours, il lui faudrait adopter une stratégie différente de celle de 2007, quand il avait renvoyé dos à dos les deux candidats Sarkozy et Royal. Sa lettre aux deux candidats participe d'ailleurs de cette tactique de devenir l'homme clé de ce scrutin, malgré un sort électoral contraire. Il faut dire que le positionnement, connu, du Front de gauche (anti-Sarko/ pro-Hollande), et celui, trop prévisible, du FN (libre choix / vote blanc), ne pouvait que le servir : de fait, seul le Modem était l'inconnue de l'équation du second tour. Faire un choix clair pour l'un ou l'autre des candidats s'impose d'autant plus que François Bayrou a pu constater combien sa posture "ni-ni" de 2007 avait largement contribué à l'implosion du Modem. Or, désormais il entend initier une dynamique au centre pour redistribuer les cartes du bipartisme. Au lendemain du premier tour, M. Bayrou n'a donc d'autre choix que de .. choisir enfin son camp. Aussi, hier arpès-midi, François Bayrou avait toutes les raisons objectives de quitter son positionnement de neutralité. En fait, il n'a fait que se construire un piège qu'il a refermé sur lui-même.

En donnant finalement le libre-choix à ses électeurs, le leader du Modem refuse d'abord de positionner son parti sur l'échiquier politique français ; plus encore, il indique clairement qu'il est incapable de contracter quelque alliance que ce soit avec quiconque et donc que le Modem n'a aucune volonté à jouer un rôle actif dans les affaires publiques. Cette pseudo force de caractère constitue, en la circonstance, la plus grande des faiblesses politiques : pour un politique, ne pas être capable de s'allier pour l'emporter ou pour faire barrage démontre une vraie arrogance ; pour un centriste, c'est définitivement une faute grave et surtout incompréhensible. Un vote Modem est donc un vote perdu. Nul doute que les électeurs auront cela à l'esprit lors du scrutin législatif à venir. Hier, le président du parti centriste avait un simple choix à faire : Sarkozy ou Hollande ? Droite ou gauche ? Il n'avait en l'occurrence qu'à choisir entre ancrer "son centre" plutôt à droite ou à le positionner au côté des radicaux de gauche. Puisqu'il avait librement pris date avec son électorat le 22 avril au soir, il se devait de l'orienter et d'orienter le Modem vers l'un des piliers du bipartisme. Or, il a préféré rompre avec cet engagement sur l'honneur, pris avec les électeurs du centre. Une fois encore, il vient de refuser l'obstacle ; une dernière fois sans doute, il vient de décrédibiliser le Modem.

En tant que leader du Modem, François Bayrou a définitivement failli. Pour autant, en tant que citoyen électeur, il peut bien faire le choix qu'il veut. On peut juste se demander s'il était important de réunir la presse pour communiquer sur un positionnement uniquement personnel. Le citoyen Bayrou a donc, lui, choisi : ce sera Hollande. On remarquera toutefois, puisque ce vote personnel est intentionnellement rendu public avant le scrutin du 6 mai, que le vote du citoyen François entre en totale contradiction avec la campagne du candidat Bayrou. Celui qui mettait en avant - avec raison - les besoins d'une meilleure gestion des deniers publics, le retour à un équilibre des comptes et le désendettement de la France, celui qui pronait les nécessaires économies à faire sur le budget national, celui-là se prononce pour le candidat qui, dès sa prise de fonction, va s'atteler à creuser encore plus les déficits, au plan national avec la distribution de primes électoralistes, au plan européen avec son militantisme pour les eurobonds, un dispositif qui va rapidement être détourné par les états européens les plus dépensiers / endettés. Le citoyen Bayrou préfère opter pour un candidat dont il sait très bien qu'il ne fera preuve d'aucune force de caractère pour diriger sa majorité, alors que le navire France a besoin d'une main ferme pour le diriger et que l'Europe a d'autant plus besoin d'un couple franco-allemand oeuvrant main dans la main. On peut comprendre l'aversion personnelle de François pour Nicolas, leurs personnalités étant très opposées. On peut aussi comprendre le rapprochement intellectuel avec l'autre François, le candidat aux convictions à la Barbapapa, du nom de ces personnages qui adaptent leur forme aux circonstances ou à leurs interlocuteurs, un peu comme ce qui est régulièrement et justement reproché aux centristes. Mais ce qui n'est pas compréhensible, c'est bien qu'en ces temps difficiles,  circonstance  justement mise en avant de surcroit pour justifier son choix,  M. Bayrou fasse le choix d'une politique dont il admet clairement qu'elle mettra la France en position difficile dès 2013. A la vérité, M. Bayrou s'est retrouvé sous la pression des moralistes de gauche qui refusent à la droite de porter des valeurs et des discours de droite. En voulant se parer de la vertu "républicaine" attribuée par ces bien pensants qui fraient depuis toujours avec l'extrême-gauche, il s'est laissé manipulé et, de fait, il vient de se tromper de combat.

François Bayrou a construit un auto-piège en se forçant à faire un choix. Il s'y est totalement enferré, d'abord en faisant seulement un choix personnel, ensuite en faisant le choix du candidat socialiste. Certains de ses électeurs le suivront sans doute dans ce rassemblement anti-Sarkozy, aussi inopportun qu'artificiel en la circonstance. Pas moi.  

  

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Commentaires
M
certains disaient que voter François BAYROU, c'était comme si dans un match de football, on votait pour l'arbitre!!<br /> <br /> effectivement, depuis 2007, F.BAYROU est allé dans le mur et il ne doit s'en prendre qu'à lui-même, notamment à son incapacité à mobiliser les forces nécessaires autour de lui, prenant uniquement de ci delà des arguments aux uns et aux autres et donnant de belles leçons abstraites.<br /> <br /> Dommage, un centre fort est pourtant nécessaire, me semble-t-il, pour rompre cette dualité droite/gauche qui n'a plus aucune raison d'être, surtout en cette période de crise financière et économique. Vive un rassemblement de bonnes volontés!<br /> <br /> Michel
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