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Il y a comme un problème...
12 avril 2012

Un débat ! Quel débat ?

La démocratie peut-elle exister sans débat ? Dans le système politico-médiatique français, il semble bien que la réponse soit affirmative. Apparemment, personne n'a estimé utile et nécessaire de présenter aux français un débat public, digne de ce nom qui permettrait aux électeurs appelés à se prononcer le 22 avril prochain de se faire une idée comparative des candidats briguant leur suffrage. Les chaînes de la télévision publique ont argué du fait qu'il était techniquement impossible de faire débattre dix orateurs ensemble sur un plateau télévisé. J'ai pourtant le souvenir d'une émission organisée par RFO-Polynésie à l'occasion du scrutin territorial de 2005 où les listes en compétition devaient approcher ce chiffre. Cela veut-il dire que la télévision d'Outre-mer est plus performante que les chaînes publiques de métropole ? Pour les primaires socialistes, France 2/3 a mobilisé deux soirées pour aider les sympathisants de gauche à se choisir un challenger à Nicolas Sarkzoy ; c'est vrai que les débatteurs n'étaient alors que six. Mais franchement, six ou dix, où est la différence ? Un débat "présidentiel" est-il moins nécessaire à la vie démocratique de notre pays qu'une confrontation interne à un seul parti ?

La limite haute pour la télévision publique étant fixée à six "candidats", France 2 organise donc deux émissions que l'on ne peut décemment pas appeler "débat" dans la mesure où chaque postulant à la magistrature suprême n'est pas confronté à ses adversaires, mais à un trio de journalistes, forcément "triés sur le volet". Il ne s'agit même pas d'un débat par procuration puisque le dit trio ne suit absolument pas le même canevas de questionnement, ce qui ne permet pas de comparer éventuellement les réponses de chaque orateur entre elles. Franchement, c'est là un exercice a minima dont on perçoit bien qu'il a été imposé aux chaînes publiques suite aux attaques, justifiées, des "petits" candidats sur la couverture médiatique de la campagne électorale. Cette formule n'est pas satisfaisante sur la forme et sur le fond. Tout au plus, permet-elle à chaque prétendant de pouvoir s'exprimer (un peu) et se faire (re)connaître. C'est une maigre consolation pour les oubliés des médias, les "même pas outsiders" qui ont investi de leur temps et de leur énergie pour présenter leur personne et les idées qu'ils défendent aux français. Pouvoir "connaître" les candidats, c'est quand même la moindre des choses dans un processus qui se veut "démocratique", non ?       J'aurai un commentaire à faire sur l'organisation partiale de cette émission en deux temps, un commentaire qui me semble tomber sous le sens commun, ce "bon sens" qui décidément nous fuit de plus en plus dans le fonctionnement au quotidien de notre société. Puisqu'il a été décidé de procéder à deux diffusions séparées, et puisque chacun le sait, la France politique est traditionnellement coupée en deux, la "droite" et la "gauche", pourquoi la première émission n'a-t-elle pas regroupée tous les candidats se réclamant de la gauche (LO, NPA, Front de gauche, PS et EELV) et la seconde les autres candidats (droite, centre et inclassable) ? Je n'imagine pas qu'un électeur marqué à droite soit finalement très intéressé au show du très sympathique Philippe Poutou ou du "normal" François Hollande ; de même un sympathisant de gauche ne peut que perdre sa soirée à subir les développements patriotiques de Nicolas Dupont Aignan ou de Marine Le Pen. Respecter une certaine logique de "primaire" avant de procéder à un pseudo tirage au sort aurait été intelligent. D'ailleurs je ne sais pas si tirage au sort il y a eu, mais encore une fois, il est consternant de remarquer que MM. Hollande et Sarkozy se permettent de se la jouer "guest stars" capricieux, en refusant le concept de débat, dans un premier temps, en faisant en sorte de ne pas apparaître dans la même programmation dans un second. Ce comportement ne peut qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui mettent en avant cette collusion de fait et d'intérêts entre l'UMP et le PS. Il n'est donc pas étonnant que la revendication résolument "anti-système" de certains candidats prenne corps dans l'opinion publique : la rhétorique traditionnelle de l'opposant minoritaire se trouve confortée par les faits politiciens ; voilà une situation qui, à terme, peut amener les français à rejeter dos à dos ce trop fameux  "Etat UMPS", décrié entre autres par le Front national.

De cette première émission, on remarquera que Mme Eva Joly n'aura finalement eu de vert que ses lunettes de fin de campagne. Il est sidérant de voir que l'Ecologie politique est aussi faible en France, au moment même où les questions environnementales n'ont jamais été aussi prégnante dans notre société et alors que les "filières vertes" devraient représenter l'un des piliers de la redynamisation économique du pays au cours de ces prochaines années. Mme Joly a fait une campagne sociale de gauche, "coincée entre la gauche molle (de Hollande) et la gauche folle (de Mélenchon). Absente du débat, l'Ecologie est d'ores et déjà la grande perdante de ce scrutin.

On remarquera aussi que Philippe Poutou semble être malheureusement le seul à porter le message rafraîchissant de la force collective. L'homme providentiel qui viendra régler les problèmes, ça ne fonctionne plus. La France se sortira de la crise grâce au travail d'une équipe soudée et en concertation avec les autres pays d'Europe. Placé sous la lumière, Poutou se sent bien seul, loin de ses camarades de lutte ; il peut aussi se sentir seul, car les autres n'ont de cesse de vouloir justement attirer les projecteurs sur eux. Cette "majesté républicaine" que veulent se donner les candidats "normaux" n'est finalement qu'une imposture. Et si Bayrou ne décolle pas, c'est bien parce qu'on ne devine pas derrière lui cette équipe qu'il lui faudrait pour mettre ses idées et son programme en musique.

On notera qu'il est grand temps pour François Hollande que la campagne se termine. Avec ces formules répétitives, il commence à saoûler l'auditoire. Son zig-zag commence à faire de lui un drôle de zig de plus en plus dans le zag.

Pour Marine Le Pen aussi, la campagne a manifestement été usante. Pour sa première élection présidentielle, il n'a pas su trouver le bon rythme ; sans doute que sa course aux signatures, engagée trop tard ou sans méthode de terrain, aura perturbé sa ligne directrice. Elle s'est laissée débordée à la fois par Sarkozy et par Mélenchon. Quant à son intervention, il est regrettable qu'elle se soit encore laissée enfermée dans des sujets réducteurs, trop classiques, alors qu'elle aurait eu tout à gagner en donnant plus de relief aud dossiers avec son éclairage polémique. Ce n'est pas parce que les solutions prônées par le FN ne sont pas bonnes que les questions posées par Mme Le Pen manquent de toute pertinence.

Quant à Nicolas Dupont Aignan, comme Mme Joly, il mène un combat perdu d'avance, en ayant du mal à exister entre le marteau Sarkozy et l'enclume Le Pen. Il poursuit son apprentissage solitaire, histoire de prendre date pour 2017. Là, face à Copé ou Bertrand, il a toutes ses chances.

Pour finir, j'ajouterai un mot sur le travail de sape mené par l'UMP à l'encontre de Bayrou. La réponse d'Alain Juppé sur la vraissemblance d'un ticket Sarkozy-Bayrou pour mener le pays après le 6 mai n'a d'autre intention que de déstabiliser le candidat du Modem en le "récupérant" alors même que sa traversée en solitaire de la mandature Sarkozy prouve bien que les deux hommes ne sont pas compatibles. Vous verrez ce soir que François Bayrou ne sera interrogé que sur cette éventualité de devenir le premier ministre de Sarkozy II, le privant ainsi de la possibilité de faire entendre sa vraie différence et de se positionner en recours bien plus crédible que Le Pen ou Mélenchon. Là encore, c'est l'expression démocratique qui sera la grande perdante de la soirée. C'est un pronostic... je peux encore me tromper.. 

 

     

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