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11 avril 2012

Hollande appelle au rassemblement

De même que l'appel au "vote utile" se révèle un vrai déni de l'expression démocratique dans une élection à deux tours de scrutin, celui appelant au "rassemblement" ne peut constituer qu'une réelle incongruité alors que les urnes n'ont pas encore rendu leur premier verdict. J'ai peine à voir une logique intellectuellement défendable à vouloir signer une vaste alliance de paix avant même d'avoir mené un combat démocratique à son terme ? La posture de rassembleur est certes un passage obligé dans une élection présidentielle. On notera toutefois qu'elle intervient généralement au soir du premier tour, pour mobiliser les sympathisants de son propre camp idéologique, droite ou gauche. On remarquera qu'elle s'adresse ensuite, au sortir du second tour, "à tous les français" afin de pacifier les esprits après des mois d'invectives politiciennes qui ont scindé plus ou moins gravement la société en divers clans*. 

Dans la quotidien « Parisien-Aujourd'hui en France », François Hollande adopte donc un surprenant appel au large rassemblement : il entend associer tous ceux qui auront contribué à sa victoire à son futur gouvernement. Ce doit être l'un des moyens imaginés par la rue de Solférino pour faire baisser les statistiques du chômage ! Je soumets l'idée à nos amis anglais, qui ont la particularité de parier sur tout et n'importe quoi, de lancer les paris sur le nombre pléthorique des ministres du premier gouvernement Hollande (et sur la durée de survie du dit gouvernement "Hollande I"). 

Soucieux de disposer d'un rassemblement beaucoup plus ouvert qu'au seul PS, il souhaite avoir à ses côtés une équipe « où toutes les sensibilités puissent figurer ». A dix jours du premier tour, il s'agit pour M. Hollande d'agiter le carnet de chèque de sa présidence virtuelle afin de s'attirer les faveurs intéressées des autres candidats du centre et de la gauche et de susciter une vocation de transfuge opportuniste chez certains « soutiens » vacillants de la Sarkozie. Tout comme l'argent, la victoire n'a pas d'odeur et le "souci de l'intérêt général", argument massue de toutes les girouettes politiques, vaut bien une messe, comme aurait pu dire le futur Henri IV, ou plus prosaïquement, un énième reniement politico-idélogique.

En prenant une posture de rassembleur avant l'heure, Hollande poursuit en l'espèce deux objectifs principaux : se venger d'un affront et bâtir une stratégie de gouvernance. L'offre, résolument sonnante et trébuchante, a vocation à rendre la monnaie de sa pièce au Sarkozy triomphant 2007. Il faut se rappeler qu'en l'espace de quelques semaines, Sarkozy avait plus ou moins débauché des pointures "socialistes et assimilées" (Besson, Kouchner, Lang) et offert de belles opportunités à DSK et Cahuzac notamment. Cette entreprise de déstabilisation du PS avait eu lieu alors que Hollande en était encore le premier secrétaire, il n'est donc pas illogique de penser que François entend profiter de sa victoire annoncée pour faire quelques prises notables à son tour. Son second objectif est plus stratégique : en promettant une large ouverture, il se place au centre du combat des egos et en seul arbitre des ambitions des uns et des autres. C'est un moyen pour diluer l'appétit des courants anti-Hollande au sein du PS. Car si la victoire semble effectivement promise au député de Corrèze, son vrai combat ne fera finalement que commencer le 6 mai au soir. En effet, si il est légitime de penser que les positionnements des différents postulants à la primaire socialiste étaient plus circonstanciels que idéologiques, il n'en demeure pas moins vrai que les positions d'un Montebourg, d'un Hamon, d'une Aubry, d'un Moscovici, d'un Fabius et d'un Valls auront un peu de mal à s'accorder sur les sujets majeurs du quinquennat. Quelles orientations concrètes sur la question énergétique, sur la mondialisation de l'économie, sur les règles de la finance, sur les besoins en terme de sécurité... ? En se mettant en situation de devoir dégager des postes pour les ralliés, Hollande espère que chacun au PS comprendra qu'il est de son propre intérêt à ne pas exposer sa "différence" au delà d'une certaine liberté de parole. De la même façon, en jouant sur le fait que chaque poste dévolu à un rallié constitue un manque à gagner pour l'un des courants du PS, Hollande espère pouvoir modérer les velléités de ses futurs partenaires. A court terme, cette tactique peut fonctionner ; ensuite elle ne pourra empêcher chaque composante de jouer sa propre partition et d'agir en fonction de sa propre idéologie et de sa propre stratégie de conquête pour obtenir plus de pouvoirs. En onze ans de navigation à vue dans le marigot socialiste, le premier secrétaire Hollande a démontré un certain savoir faire pour se maintenir à la tête d'une institution, alors même qu'il y était fortement minoritaire. Il espère que ses talents d'équilibriste lui permettront de réaliser la même performance durant les cinq années de sa magistrature suprême. On peut raisonnablement en douter, car la direction d'un parti, essentiellement dans l'opposition qui plus est, n'a rien à voir avec la gouvernance d'un pays confronté à plusieurs crises concomitantes. On peut d'autant plus en douter quand les positions affichées par les alliés sont sans nuance, pour ne pas dire extrêmes. 

Mais on peut tout autant se poser la question de savoir si les alliés en puissance, qui appellent à "virer Sarkozy" quoi qu'il en soit, voudront se pervertir au contact des "gestionnaires" du PS, dans la mesure où ils s'inscrivent dans une logique de rupture et qu'il est peu probable que les "solutions socialistes" permettent un rétablissement de la France au cours des cinq années à venir. Il est d'ores et déjà prévisible que Mélenchon, à titre personnel, refuse tout poste ministériel et qu'il cherche plutôt à poursuivre sur une trajectoire axée sur les échéances électorales à venir, au plan local et régional pour constituer une base plus solide à une conquête du pouvoir à venir. Rien ne dit que ce soutien critique sans participation ne sera pas aussi le choix du PC ; cela dépendra du résultat du 1er tour et des négociations en cours pour les législatives. Mais comme en 1981, une éventuelle participation se heurterait vite à la réalité du pouvoir et à ses limites ; elle ne devrait donc pas excéder l'horizon 2014.

A ce propos, ce n'est pas suffisamment souligné dans les médias, mais l'arbre du Noël rouge des bobos-gogos porté par le sympathique camarade Jean-Luc ne fait que cacher le bois (il serait prétentieux à ce stade de parler de forêt) communiste. Car c'est un fait, un bon score de JLM marquerait le retour des communistes aux affaires de l'Etat, après plus de vingt ans d'une lente et inexorable décrépitude. L'intégration éventuelle de communistes au gouvernement "Hollande I" ne manquera pas de faire jaser les milieux politiques, économiques et financiers à travers l'Europe et au plan international. Qui peut alors prédire l'impact que cela pourrait avoir sur notre économie, déjà bien agitée, dans les mois à venir ?

L'appel au rassemblement est moins le moyen pour le candidat Hollande de lancer une dynamique électorale qu'une tactique du président Hollande pour gérer au mieux les ambitions des uns, les idéologies des autres afin de franchir l'obstacle des législatives. Et au-delà d'une lecture nationale, cet appel au rassemblement pourrait tout autant viser certains barons socialistes locaux. On gardera à l'esprit que les présidents de région, quasiment tous socialistes, seront en effet les premières victimes de la présidence Hollande, car ils ne pourront plus défausser leur gestion sur la mauvaise volonté (financière) de l'Etat, car ils devront composer beaucoup plus au plan local avec les représentants des alliés "nationaux", car ils seront en première ligne pour le retour de balancier électoral après que la désillusion du "changement selon Hollande" se sera installée dans le pays. D'ici à ce qu'ils espèrent secrètement la défaite de "leur" candidat.... 

 

 

* Par tradition, et donc avec une certaine hypocrisie, le président de la République se veut le chef de tous les français, quand il est par essence le leader du seul camp vainqueur ; mais puisqu'il est vrai que ses décisions engagent l'ensemble de la nation, il représente bien la France dans toutes ses composantes. Il serait toutefois plus juste de dire que s'il gouverne effectivement au destin de tous les français, il n'est dans la réalité objective que le président d'une partie d'entre eux.

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