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Il y a comme un problème...
3 avril 2012

Abstentionnistes : 1er parti politique de France

C'est un sujet que j'ai brièvement effleuré dans le post d'hier et sur lequel je vais revenir plus longuement aujourd'hui : l 'abstention. Une enquête d'opinion la crédite actuellement d'un score de 32% pour le scrutin à venir. Cela revient à dire que le premier qualifié pour le duel du second tour est donc M. "Vote Blanc". Pour une élection, les présidentielles, dont il est communément admis qu'elle est celle qui intéresse et mobilise le plus les français, il n'y aurait pas comme un sérieux problème, là ?

Qu'un tiers des français pense ainsi à divorcer de leur représentation nationale suprême témoigne de la faillite de notre modèle social et politique de même que cela prouve la représentativité tout relative de celle ou de celui qui sera appelé à nous diriger pendant cinq ans. Le suffrage universel accorde une légitimité directe, mais celle-ci ne pèse pas du même poids dès lors qu'un électeur sur trois s'abstient de voter. Avec au mieux 30% des intentions de vote au premier tour, M. Sarkozy (ou M. Hollande) ne répresentera en réalité que 20% du corps électoral, c'est peu. En fait, le futur vainqueur sera désigné parmi l'un des deux candidats "les moins minoritaires" du premier tour. Et les cinquante et quelques pour cent du second tour ne peuvent faire oublier qu'en fait de "majorité absolue", il s'agira surtout d'une majorité plus que relative et que la France sera gouverné par un "géant aux pieds d'argile" puisque 80% des citoyens ne l'auront pas choisi en première intention. Il y a des réalités chiffrées qui sont à même de calmer toute vélléité de triomphalisme dans le camp du vainqueur, non ?

Sur les plateaux TV, les commentaires d'après-scrutin concerneront d'abord le phénomène de l'abstention. Tous en choeur, les invités politiques, futurs ministres pour certains, viendront nous dire que ce "c'est un constat préoccupant pour notre démocratie", que cela pose "un vrai problème", qu'il convient désormais de "faire de la politique autrement car le message du peuple qui s'est exprimé aujourd'hui est clair", qu'il faut "réinventer le lien politique-citoyen", voire qu'il "faudrait sans doute rendre le vote obligatoire comme chez nos voisins belges"... Moins le peuple s'exprime par la voie des urnes et plus les politiques l'entendent, en voilà un joli paradoxe. Sauf que ce ne sont là que des rengaines éculées énoncées par de vrais hypocrites, parce que cette situation arrange finalement bien les affaires de tout ce petit monde de "professionnels". Une forte abstention pronostiquée, cela veut dire qu'il n'est pas nécessaire d'aller vers ceux qui ne se reconnaissent pas (ou plus) dans le jeu politicien, vers les laissés pour compte du système et de notre société, vers les faibles et les désabusés qui n'ont même plus le réflexe de la révolte par les urnes. Pas besoin de faire le grand écart, les états-majors peuvent mieux se concentrer sur leur pré carré, entretenir leur fond de commerce électoral qui leur "garantit" toujours une place, qu'elle soit dans la majorité ou dans l'opposition. L'abstention ne devient un problème pour le politique quand il affecte son terreau militant, sa base de symathisants. A poursuivre sur cette ligne, le temps est proche où le politicien ne représentera finalement plus que lui-même et sa caste de privilégiés. Et ça, c'est un problème. 

Pour les politiques, l'abstention est une bénédiction car elle est finalement indolore. En effet, sous cette dénomination, ils arrivent aisément à regrouper un tas de facteurs de causalité, derrière lesquels ils s'abritent  pour se dédouaner de toute autocritique sincère, de toute remise en cause d'un système où ils se sentent comme des poissons dans l'eau. Quelques raisons alléguées au phénomène :

"La météo" : c'est bien connu les français sont des grenouilles, les anglais ont raison. Ils restent à l'abri quand il pleut et ils s'évadent loin de leur mare dès qu'il fait soleil. A les entendre, la météo parfaite pour un scrutin, c'est un "temps nuageux sans risque d'ondées, sinon l'électeur reste au chaud chez lui ou il part profiter de la plage. Pour une mobilisation en masse de l'électorat, il faut donc commander auprès des services météo un temps mi-figue mi-raisin, ni trop chaud, ni trop frais. Avec le réchauffement climatique, c'est pas gagné, enfin si, le politique a une bonne petite explication à fournir aux médias.

"Les Vacances" : hé oui, en France, on vote le dimanche, donc ça tombe nécessairement un week-end (admirez mon esprit logique ! lol), et comme les RRT ont rallongé les dits week-ends, c'est donc le moment où l'on a le plus de chance de se trouver loin de son domicile. En plus, mais alors là c'est vraiment pas de chance, on affectionne les scrutins de printemps, justement la période où les beaux jours reviennent. C'est trop balot quand même. Les ponts des fériés et des RRT, et "cherry on the cake" les vacances scolaires, vous croyez vraiment que ça aide à retourner dans les écoles pour voter, vous? Deuxième explication à peu de frais.

"La conjoncture" : apparemment ce n'est jamais le moment opportun pour voter. Il se passe toujours des choses dans le monde qui font que ça démobilise l'électorat français. Encore la faute à pas de chance, dites-moi !

"La campagne" : son déroulement n'a pas permis de débattre des "vrais sujets" et d'aller à "la rencontre des préoccupations de gens" ; ou alors c'est "la tactique choisie par l'opposant" qui a fait que l'on n'a pas pu répondre correctement aux attentes ...En résumé, "françaises et français, et nous vous le disons droit  dans les yeux, si vous n'avez pas eu le débat que vous attendiez, cela n'est pas de notre fait ni de notre faute". Par définition, un politicien n'est jamais coupable et rarement responsable, ce qui explique sa grande longévité dans le métier, malgré l'indigence des résultats obtenus. Ils sont nuls à l'usage, mais on les garde... Ah oui, les français apprécient la lecture du marquis de Sade, un peu de masochisme ne nuit pas. La politique, c'est un métier, vous ne voulez pas aggraver les statistiques du chômage, si ?!

Non assurément, l'abstention est le cadet de leur souci, c'est ce qui explique que les politiques ne veulent rien changer à un système qui leur convient parfaitement tel qu'il est. Après tout, que le peuple laisse faire ces femmes et ces hommes de l'élite ! Que peut-il comprendre aux grands problèmes du moment et du monde ! Ceux-ci ne sont-ils pas suffisamment sérieux et complexes pour les laisser loin de la compréhension et du jugement populaire ?! Le politique se complaît dans le phénomène de l'abstention avec la même obstination qu'il refuse toute idée de remise en cause. J'en veux pour preuve le fait que, malgré des demandes légitimes répétées, le vote blanc n'est toujours pas comptabilisé dans les scrutins, alors que lui traduit très clairement un choix et un sentiment de l'électeur : "aucun des candidats que le système me propose ne répond à mes attentes citoyennes". L'abstention, le politique vous la vend comme de l'indifférence ; le vote blanc en revanche le piège car c'est clairement une gifle qu'il reçoit en pleine face ; voilà pourquoi il ne saurait être décompté comme un vote à part entière ; d'ailleurs il n'y a aucun bulletin blanc sur les tables des bureaux de vote.

Je suis un citoyen responsable qui entend honorer, par l'acte de vote, le sacrifice des générations qui ont lutté pour obtenir ce droit ; je suis un citoyen conscient qui refuse la daube servie par les dix (sons de) cloches puisque, clairement, ils me prennent pour un crétin avec leurs fausses promesses et leurs engagements intenables. Je veux pouvoir m'exprimer en votant clairement "blanc" et on me refuse ce choix, on me refuse ce droit. Le système va m'assimiler à un Alzheimer qui a oublié de glisser le bulletin dans l'enveloppe (option 1), ou à un Parkinson qui, tremblotant, en a glissé deux ou quatre par erreur (option 2). C'est pas un problème, ça ?

Aujourd'hui, clairement l'élection n'est plus représentative d'une volonté populaire, c'est juste une figure imposée par une démocratie en panne  pour redonner un semblant de légitimité à une caste qui se satisfait de tourner en auto-suffisance.

Avec un électeur sur trois qui aurait apparemment décidé de déserte les bureaux de vote, ce n'est plus seulement une perte de confiance envers le politique, mais un vrai déficit de notre système démocratique qu'il convient donc de souligner. Et c'est bien les acteurs de la vie publique qui sont au premier chef les responsables de cette situation. Si leurs concitoyens se désintéressent à ce point de leur seul droit de regard sur leur destinée en tant que nation, c'est bien que le spectacle offert ne répond ni à leurs attentes, ni à leurs craintes, ni à leurs frustrations. Le sentiment qui prédomine en définitive dans la population, c'est que les "grands" partis politiques, par la voix de leurs leaders, sont déconnectés des réalités du quotidien, qu'ils n'ont aucune solution viable pour affronter les problèmes concrets que sont le coût de la vie, le chômage, le sentiment de précarité ou d'insécurité et l'éducation au sens le plus large. Le sentiment général qui prédomine, c'est que cette agitation électorale autour d'un scrutin fait le show mais qu'elle ne débouche jamais sur du concret. Or ce show 2012, c'est plus que du réchauffé (désolé, il fallait que je le fasse lol). On nous fait bouffer de la politique matin, midi et soir, mais il n'y a strictement rien de nouveau sous le soleil pour sortir le pays de l'ornière et les gens de la sinistrose. La politique aujourd'hui, c'est la France du football, version Domenech : "on gagne si on ne perd pas" ; "on bétonne la défense mais on verra plus tard pour marquer des buts. Cette campagne 2012, c'est le bus de Knysna. Ca bla-blate et ça s'invective, mais quoi qu'il arrive, ils se retrouveront tous à la buvette avec les poches pleines. De cela, plus personne n'est dupe. Et la France est toujours en panne.

Quand voter revient à cautionner un système qui ne fonctionne plus et puisque le vote blanc ne sert à rien, l'abstention peut finalement être assimilée à un réflexe d'auto-défense du citoyen, à un non-vote par dépit plus que par désintérêt. Il en devient presque un sursaut civique, encore un paradoxe dans un pays qui n'en manque pourtant pas. Et là, c'est vraiment un problème.   

 

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