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Il y a comme un problème...
1 novembre 2011

Saga polynésienne : les années d'errance

Depuis la compromission des « Ni-ni », c'est-à-dire le soutien de fait au leader indépendantiste de deux représentants pourtant élus notamment en raison de leur positionnement contre l'accession  à l'indépendance, la vie politique polynésienne est devenue une immense farce dont les citoyens et l'économie locale font toujours les frais à cette heure. De façon récurrente depuis février 2005, les gouvernements se font et se défont, avec leur cortège d'indemnités  confortables (pour quel travail effectué et quels services rendus aux populations ?!! Allez savoir...). La valse des présidents du pays entraîne celle des présidences de SEM (Sociétés d'Economie Mixte), avec toute la désorganisation des plannings de travail et les abandons des nécessaires projets de développement que cela implique. La « Perle du Pacifique » est un bateau ivre, dont l'unique objet semble se résumer à la satisfaction immédiate des ambitions (vertigineuses) de ses élus et des besoins financiers (apparemment sans limite) de leurs familles.

Cela fait donc maintenant sept longues années que "Tahiti et ses îles" n'en finit pas sa descente aux Enfers, victime de sa classe politique aussi corruptrice que corruptible et donc corrompue. La "négociation-vente" de son soutien pour obtenir une bascule majoritaire se fait ainsi au grand jour pour l'élu sans scrupule ; la justification de son ralliement puis de son désaccord un peu plus tard est simplement hallucinante de naturel  ("pour l'argent", "pour devenir ministre" etc..) puisque règne sous ces tropiques un sentiment d'impunité totale. Les élus ne représentent rien d'autre que leur seuls intérêts personnels ; le peuple polynésien se fait une raison, avec beaucoup de fatalisme et  surtout la crainte que cela pourrait être pire.

De "riche et stable", ce Pays d'Outre-Mer, ainsi que son statut le nomme désormais, est devenu, en l'espace de quelques années, ingérable et affecté d'une régression sociale et économique sans précédent. Comment une telle situation a-t-elle pu se produire ? Toutes proportions gardées - comparaison n'étant pas raison - la Polynésie française a connu et connaît encore une sorte de "printemps arabe", à la différence que le "dictateur" déchu occupe toujours une position centrale sur l'échiquier politique local,à la différence que "l'Union pour la Démocratie" (joli nom pour une réalité toute autre) ne court qu'après son dogme idéologique, l'accession du pays à l'indépendance, même si celle-ci doit être synonyme de recul généralisé, sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan médical et sanitaire, sur le plan de la sécurité et plus largement de l'intégrité des biens et des personnes.  Cela tient à une double spécificité de la politique locale : un concept partisan original "un leader - un parti" et l'absence de toute idéologie politique chez ceux qui, par défaut plus que par la profondeur de leurs convictions, s'affichent comme "autonomistes".

"Un leader - un parti" :

Pour exister sur la scène politique dans ce pays, vous n'avez souvent d'autre choix que de créer votre propre parti, puisqu'en Polynésie, celui-ci n'est pas organisé comme un lieu de débats et d'échanges mais qu'il constitue d'abord le signe de l'adhésion d'un groupe à son chef. Le parti politique polynésien, outil militant pour capter tout ou partie du pouvoir au profit de son leader, n'est conçu et organisé que pour servir un seul maître, un seul destin. Que ce destin devienne contraire, que l'usure du pouvoir fasse son oeuvre et s'ouvre la porte des ambitions en son sein et donc le risque d'implosion. Le tort de Gaston Flosse, leader emblématique du parti Orange a été de ne pas vouloir comprendre, puis surtout de ne pas avoir accepté le fait que son règne territorial s'était achevé avec le vote de confirmation de février 2005, que c'était d'abord son mode de gouvernance qui était  cause du désamour populaire à son endroit plus que l'incapacité de son parti à continuer d'oeuvrer pour le bien public, que le divorce était en quelque sorte définitvement consommé entre une majorité des Polynésiens et sa personne. En refusant à son outil d'évoluer en dehors de lui, lui qui pouvait rester par ailleurs sénateur de la République et président honoraire de son parti, le "vieux lion", comme il est surnommé parfois, a de fait encouragé la sédition à l'intérieur même du parti Orange, et ses principaux lieutenants ont tour à tour fait dissidence, à l'instar de la défection, dès 2004, de Mme Bouteau, l'une des deux Ni-Ni de l'Assemblée. MM. Bouissou, Tong Sang et Sandras, pour ne parler que d'eux, ont tourné le dos à celui qui leur avait mis le pied à l'étrier politique et confié de hautes responsabilités, voire un siège, qui au Palais Bourbon, qui à la présidence du pays. L'implosion du parti Orange, où seul subsiste le dernier carré des fidèles, se traduit donc par la création de plusieurs partis qui ne se distinguent du parti originel que par le fait que le leader n'est pas le Gaston tant honni. 

L'absence d'idéologie :

Puisque il n'est qu'un outil à l'usage d'une ambition personnelle clairement affichée, le parti politique polynésien ne défend en réalité aucun courant de pensée, aucune idéologie doctrinaire, aucune de ces valeurs qui, en métropole, le classe soit à droite, soit à gauche de l'échiquier. Même s'il dispose de plusieurs élus, ces derniers sont souvent transparents, toute prise de relief, non autorisée pouvant être sanctionné par le leader, la seule référence, le seul qui doit compter. Le parti n'agit donc qu'en fonction d'un temps - le moment présent - et d'un objectif - la satisfaction des ambitions de son leader. Il suffit donc de la promesse d'un poste ministériel, d'une présidence de commission à l'Assemblée, d'avantages sonnants et trébuchants liés à une sinécure au sein d'une SEM par exemple, pour qu'un leader - et son parti - se réclamant "haut et fort" du front anti-indépendance se rallie à la bannière bleue étoilée d'Oscar Temaru. En Polynésie française, la représentativité des élus de l'Assemblée est un leurre, pour ne pas dire une tragique plaisanterie, puisque nombre de représentants, à peine élus sur la liste et sous les couleurs d'un parti X, choisissent de lui tourner le dos pour profiter d'une aubaine qui passe. Un tel élu, qui ne représente que ses propres intérêts, peut-il être considéré comme un acteur du jeu démocratique ? Bien sûr que non ; mais cela est rendu possible car la population elle-même n'a pas d'idéologie politique, habituée qu'elle est au duel personnel entre leaders charismatiques.

Dans ces conditions, faut-il s'étonner que celui qui avance avec une réelle conviction chevillée au corps et au coeur, à savoir l'accession de son pays à l'indépendance (et ce faisant sa propre entrée dans l'Histoire et un règne à vie de président),  puisse emporter la décision,quand bien même il ne représente objectivement qu'un tiers du corps électoral ? Comment croire que les rivalités anciennes, les antagonismes personnels, les ambitions concurrentes affichées par chaque leader dit autonomiste à l'égard des autres, tous issus du même moule et tous tournés vers leur seule destinée, ne dégagent pas un boulevard à la cause indépendantiste ? Certes, par le fait même que ces leaders ne sont prisonniers d'aucune idéologie, la Polynésie peut encore espérer rester française si un partage équitable des pouvoirs et des responsabilités peut être durablement conclu entre eux. Mais dans un pays où la parole donnée est si vite reprise, les contrats moraux et les accords partisans en bonne et due forme tournent souvent au jeu de dupes. La peur de l'échéance - si proche - de l'indépendance permettra-t-elle aux tenants du Pays d'Outre-Mer de se ressaisir ? Et plus important, cette décision est-elle encore de leur ressort, alors que l'Etat, contraint aux coupes budgétaires drastiques, lassé d'un territoire dispendieux qui a jeté l'argent par les fenêtres et ne conçoit pas de se mettre un jour au régime sec, peut avoir la tentation de couper le cordon, tant la situation économique et financière de la Polynésie promet d'être une charge supplémentaire en ces temps de crise ? 



 

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