Du traumatisme du changement d'heure

Cela fait plus de 30 ans que tous les six mois la France s'offre l'une de ses polémiques récurrentes qu'elle adore : le
changement d'heure. Tenants et adversaires de cette mesure toujours très contre-versée s'affrontent à coups d'avis d'experts sans que personne ne puisse définitivement clore le débat sur les nuisances supposées ou avérées sur les populations.

Inutile d'évoquer ici le rapport coût/bénéfice obtenu au niveau de la non-consommation  énergétique, les chiffres et les avis divergent aussi sur ce point. Nous noterons seulement qu'une mesure, décidée dans les années 70 en fonction d'une conjoncture économique particulière (chocs pétroliers, dépendance énergétique liée aux centrales thermiques...) et d'un mode de vie déterminé, est restée inchangée, alors que nos modes de production et de consommation électriques, ainsi que notre façon de vivre ont très largement évolué. Sans doute est-ce là l'une autre manifestation du syndrome de « l'avantage acquis inamovible » que la France a institué en règle de gouvernance ?!

La première question à se poser serait donc en toute logique de savoir si cette tradition est toujours vertueuse en terme
social, financier et économique, à l'horizon des années 2015/2020.

La deuxième interrogation porte sur l'influence négative qu'une telle mesure a pu avoir sur la recherche de méthodes
alternatives susceptibles de réduire la consommation électrique et surtout d'éviter le gaspillage énergétique en la matière, puisque la production électrique ne se stocke pas. En d'autres termes, le changement d'heure n'a-t-il pas constitué au meilleur compte une bonne conscience écologico-économique pour éviter de réfléchir aux moyens d'infléchir la courbe de notre consommation énergétique ?

Le troisième point fait appel à la plus grande subjectivité  car il concerne les « inconvénients ressentis par les populations » selon les termes d'un rapport sénatorial datant de 1997. Un « jet lag » d'une heure subi tous les six mois constituerait un risque médical et sanitaire ?!  C'est un fait connu : le chamboulement des habitudes déstabilise, nos repères s'en trouvent pertubés... L'angoisse... Au secours!!! Et l'on s'étonne encore que la France détienne le record de consommation d'anxyolitiques et de tranquilisants ?!! De qui se moque-t-on ?

Si vous prenez l'avion pour un vol intercontinental, votre adaptation prend un jour pour un heure de décalage. Mais si vous restez en France et que l'heure change d'une seule et unique heure, votre temps d'adaptation se chiffrerait en semaines ?!!! Si vous êtes à ce point perturbé, n'allez jamais en Australie ou en Polynésie, vous vivriez un enfer....

Les éleveurs ont constaté une perte de production journalière lors de la traite des vaches. Cet argument est souvent mis en avant pour illustrer les effets néfastes du changement d'heure sur le métabolisme animal, et par extension le métabolisme humain. Sauf que ce qui est en cause, c'est l'organisation du travail à la ferme. Dans l'absolu, pour respecter un rythme régulier entre les traites, il suffirait de différer d'une heure le moment de la traite, entre la période GMT+1 et GMT+2. Ou d'absorber par étapes progressives sur une semaine le décalage, au lieu de se fixer sur une référence de temps qui, à la base est frauduleuse.

Car à la vérité, ce qui devrait poser problème, c'est de savoir s'il est logique que six mois par an, nous vivions avec une heure d'avance sur l'heure naturelle donné par le soleil, et que les six autres mois, notre décalage avec Dame Nature soit de deux heures. Car le fameux méridien de Greenwich à partir duquel a été élaboré les fuseaux horaires traverse la France et il aurait tout aussi bien s'appeler le méridien de Tarbes. C'est un choix politico-économique qui nous a conduit à biaiser avec
le soleil pour prendre une heure d'avance et ainsi se fixer sur l'heure naturelle de l'Europe plus centrale.

Alors si on veut vraiment poser le débat du changement d'heure, regardons-y de plus près avant de râler uniquement parce
que l'on n'aime pas le changement dans nos petites habitudes. On ne peut que gagner à mieux respecter la Nature et l'ordre naturel des choses.